mardi 30 octobre 2018

Néandertal aurait conquis l'Amérique 130 000 ans avant Christophe Colomb

Des traces de découpe sur des os retrouvés en Californie attesteraient d'une présence humaine sur le continent américain bien avant la date admise jusqu'à présent.

Publié le  | Le Point.fr

L'information a fait se retourner Christophe Colomb dans sa tombe. Finalement, ce n'est pas lui qui a découvert l'Amérique, ni même les Vikings, mais une bande d'hommes primitifs, il y a 130 000 ans. L'article scientifique qui déclenche ce tsunami paléontologique est paru mercredi 26 avril dans la revue britannique Nature . Certains archéologues se montrent convaincus, d'autres pas du tout.
C'est que 130 000 ans, c'est un sacré bond dans le passé. Jusqu'ici, on datait l'arrivée de l'Homo sapiens en Amérique il y a 15 000 à 25 000 ans, selon les méthodes utilisées. Celui-ci aurait profité d'une baisse du niveau de l'océan pour emprunter le détroit de Behring. L'homme à l'origine de cette révolution s'appelle Steven Bolen et est paléontologue au Centre américain de recherche paléolithique, dans le Dakota du Sud. Au cours de l'hiver 1992-1993, il est appelé sur un chantier d'autoroute en Californie. En creusant, les ouvriers sont tombés sur de gros ossements non identifiables. Bolen, lui, n'hésite pas, il s'agit d'os de mastodonte, un cousin de l'éléphant disparu d'Amérique voilà 9 000 ans. L'attention du paléontologue se porte aussitôt sur la forme bizarre des fragments d'os et de leurs entailles. Il y découvre notamment des plans de cassures en spirale indiquant que ces os ont été brisés par un outil de pierre alors qu'ils étaient encore frais. Donc sur un animal venant de mourir. Son équipe trouve même les pierres ayant pu servir de marteau et d'enclume. Bref les paléontologues sont quasi formels, l'état des ossements ne peut pas être dû à un phénomène géologique ou naturel. Du reste, Holen a organisé une reconstitution avec des os d'un éléphant fraîchement abattu et il a obtenu exactement le même type de fractures. Par ailleurs, une défense trouvée plantée verticalement dans le sol fait irrémédiablement penser à une action humaine.
Site de fouille du Mastodonte tué voilà 130 000 ans ©  San Diego Natural History Museum
Site de fouille du mastodonte tué voilà 130 000 ans. © San Diego Natural History Museum
Site de fouille du Mastodonte tué voilà 130 000 ans ©  San Diego Natural History Museum
Site de fouille du mastodonte tué voilà 130 000 ans. © San Diego Natural History Museum

Plusieurs théories

Jusque-là, rien d'étonnant. Après tout, les mastodontes ont disparu longtemps après l'arrivée de sapiens en Amérique. Et donc ceux-ci ont pu être les chasseurs. Ce fut l'hypothèse émise à l'époque de la découverte, faute d'avoir retrouvé du collagène dans les os pour effectuer une datation au carbone 14. Or, voilà qu'en 2014, Holen confie des fragments d'os à un géologue sachant utiliser une nouvelle datation utilisant l'uranium-thorium. La bombe est lâchée : les ossements auraient 130 000 ans, plus ou moins 10 000 ans. Stupéfaction, car à cette l'époque, l'Amérique est supposée encore vierge de tout homme. Alors qui pourraient être ces mangeurs de mastodontes ?
Aussitôt Holen et son équipe bâtissent des théories. La première idée, c'est qu'avant sapiens, l'homme de Néandertal aurait déjà profité d'un affaissement du niveau des océans pour traverser le détroit de Behring. C'est envisageable. Du reste, ils auraient même pu le traverser par la mer. Une navigation de 80 kilomètres à bord d'embarcations est possible dans la mesure où on a retrouvé en Méditerranée des vestiges de bateaux de plus de 100 000 ans. Par ailleurs, Néandertal possédait toute l'intelligence et l'outillage voulus pour tuer et dépecer un mastodonte. Deuxième hypothèse : ce premier explorateur de l'Amérique pourrait tout aussi bien être un Denisovien, ce cousin de Néandertal dont on connaît l'existence grâce à un fossile de petit doigt retrouvé dans l'Altaï. Troisième hypothèse, enfin : un Homo sapiens ! En effet, celui-ci est apparu voilà 200 000 ans en Afrique et aurait également pu effectuer la traversée à cette époque. Une hypothèse cependant tirée par les cheveux car on n'a retrouvé aucun fossile de sapiens en Sibérie datant d'avant 130 000 ans.
Il existe également un autre fait contrariant : on ne retrouve nulle trace de ces premiers Américains dans l'ADN des populations indigènes actuelles. Holen explique cela par le fait que ceux-ci peuvent avoir disparu avant l'arrivée des sapiens. En tout cas, le paléontologue sait bien qu'il ne fera taire toutes les critiques que le jour où d'autres vestiges incontestables seront mis au jour. Aussi s'apprête-t-il à prendre la route pour fouiller tous les sites américains susceptibles d'avoir conservé les traces d'une activité humaine voilà plus de 100 000 ans.

(Là, on commence à être d'accord avec les datations. Reste à reconsidérer celles concernant les civilisations pré-hispanique en Amérique Latine et Centrale et l'estimation démographique. note de rené)

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