lundi 15 octobre 2018

Les États-Unis recommencent : des avions ont bombardé la Syrie au phosphore blanc

Protocole, Conventions, Genève, Raqqa, Syrie, Mossoul, Falloujah, Irak, uranium, appauvri, Yémen, bombes, fragmentation, sous-munitions, Pentagone, armes, biologiques, gaz, lacrymogènes, Daech,
Par Peter Korzun
Paru sur Strategic Culture Foundation sous le titre United States Did It Again: Warplanes Use White Phosphorous Munitions in Syria

Le 13 octobre, la coalition dirigée par les États-Unis a utilisé des munitions au phosphore blanc au cours de frappes aériennes dans la province syrienne de Deir Ez-Zor, et fait des victimes parmi les civils. Le mois dernier, du phosphore blanc avait également été utilisé par deux F-15de l’US Air Force (USAF) dans une attaque contre la ville de Hajin, à Deir-ez-Zor. Le gouvernement syrien a condamné à plusieurs reprises la coalition dirigée par les États-Unis, qui affirme que la nécessité de combattre Daech justifie ses actions militaires, tout en niant l’emploi de phosphore blanc.
Le phosphore blanc n’entre pas dans la catégorie des armes chimiques interdites par la Convention sur les armes chimiques, mais c’est une arme incendiaire. En tant que telle, il ne peut pas être utilisé contre des non-combattants. Le Protocole III de la Convention sur certaines armes classiques interdit l’emploi de ces armes incendiaires contre des civils (déjà interdit par les Conventions de Genève) ou dans des zones civiles. La substance s’enflamme spontanément au contact de l’air, produisant une dense fumée blanche.  La chaleur peut atteindre 800-900°C. L’eau n’y change rien. Des lésions graves peuvent être causées aux organes internes via son absorption par la peau, son ingestion ou son inhalation. Les particules brûlantes du phosphore blanc produisent des brûlures thermiques et chimiques si elles entrent en contact avec la peau.
Ce n’est pas seulement en Syrie que les États-Unis ont utilisé ce type de munitions Des obus d’artillerie au phosphore blanc ont été utilisés en Irak lors de l’assaut contre Falloujah en 2004. Les États-Unis l’avaient admis. Les médias ont également fait état de l’utilisation de phosphore blanc à Mossoul (Irak) et à Raqqa (Syrie). L’année dernière, le Washington Post a publié des photographies de marines américains équipés de projectiles au phosphore blanc pour la bataille de Raqqa. Un autre source a publié des images similaires montrant des munitions au phosphore blanc aux mains d’unités de l’armée américaine à l’extérieur de Mossoul, en Irak.
Human Rights Watch a mis en garde contre les dangers liés à l’utilisation de phosphore blanc dans les zones urbaines. Selon Steve Goose, directeur spécialiste des armements de Human Rights Watch, « quelle que soit la manière dont le phosphore blanc est utilisé, il présente un risque élevé de dommages terribles et durables dans des villes surpeuplées comme Raqqa et Mossoul, ainsi que dans toute autre zone de concentration de civils. »
En 2015, les États-Unis ont utilisé de l’uranium appauvri en Syrie. L’uranium appauvri n’est pas interdit par traité international, mais son utilisation contrevient au droit international humanitaire. L’article 36 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève exige que les pays veillent à ce que les nouveau moyens d’armement ou méthodes de guerre ne contreviennent pas aux règles existantes du droit international. A l’article précédent, il établit « 2. Il est interdit d’employer des armes, des projectiles et des matières ainsi que des méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus. 3. Il est interdit d’utiliser des méthodes ou moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu’ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel. » En 2012, l’Assemblée générale des Nations Unies a tenté d’adopter une résolution restreignant l’utilisation de l’uranium appauvri. Cette initiative a été approuvée par 155 États, 27 se sont abstenus et quatre, dont les États-Unis, ont voté contre.
L’armée américaine a utilisé des bombes à fragmentation contre des civils au Yémen. Les États-Unis ne font pas partie des 102 États signataires de la Convention sur les armes à sous-munitions de 2008, qui interdit les armes qui explosent en l’air, dispersant de multiples bombes ou sous-munitions sur une vaste zone. De nombreuses sous-munitions n’explosent pas à l’impact initial, et restent dangereuses pendant des années au même titre que les mines terrestres. Le Pentagone refused’abandonner les armes à sous-munitions et les commandants de terrain américains sont autorisés à les utiliser à leur guise. 
Les États-Unis continuent d’expérimenter des programmes d’armes biologiques dans plus de 20 laboratoires dispersés dans le monde entier, en violation flagrante de la Convention des Nations Unies sur les armes biologiques. Un article d’opinion publié le 4 octobre dans la revue Science, rédigé par un groupe international de chercheurs, affirme que la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) des États-Unis est en train de mettre au point des insectes comme vecteurs potentiels d’une « nouvelle classe d’armes biologiques ».
En 2011, la police américaine a utilisé des gaz lacrymogènes et d’autres irritants chimiques contre les manifestants du mouvement Occupy. La Convention sur les armes chimiques interdit l’usage de gaz lacrymogènes contre les soldats ennemis au combat, mais les forces de l’ordre américaines utilisent ce produit dangereux contre leur propre population.
Rien ne justifie l’utilisation de phosphore blanc alors que Daech a été réduit à l’insignifiance en Syrie, mais Washington l’a encore fait. Elle a violé le droit international après avoir imposé unilatéralement des sanctions à la Russie, sans aucune preuve pour étayer ses accusations. Il convient également de rappeler que, contrairement à la Russie, les États-Unis n’ont jusqu’à présent pas respecté leurs obligations et détruit leurs stocks d’armes chimiques. L’emploi de produits qui nuisent aux civils est une question grave qui devrait être abordée lors de la 79e session de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le non-respect par l’Amérique des normes mondialement admises est le problème le plus grave au regard de la sécurité internationale.
Traduction Entelekheia
Photo : un avion américain largue du phosphore blanc, 1966.
Note de la traduction : lecture additionnelle, ‘Un holocauste occulté : La stratégie de bombardements des USA’ — comment, pour les USA, les bombardements délibérés de zones civiles sont devenus une doctrine militaire à part entière dès la Deuxième Guerre mondiale. Article très documenté de l’excellent site dirigé par des professeurs d’université The Asia-Pacific Journal.

Aucun commentaire: