Sur le net, des Syriens en exil sondent une liste de personnes recherchées
source : Romandie.news
Photo prise à à Adra, en banlieue de Damas, de civils ayant fui la partie rebelle de la Ghouta orientale, le 15 mars 2018 / © AFP / Louai Beshara
"Recherché par: Direction générale des Renseignements. Action demandée: arrestation", peut-on lire sous le nom du professeur Amr al-Azm, qui enseigne l'histoire du Proche-Orient dans l'Etat de l'Ohio aux Etats-Unis.
Son nom figure sur ce fichier répertoriant 1,5 million d'individus qui seraient recherchés par le pouvoir de Bachar al-Assad, publié en mars par le site internet proche de l'opposition Zaman Al-Wasl.
"Le contraire m'aurait surpris", commente M. Azm. S'il ne s'est pas rendu en Syrie depuis 2010, il s'est publiquement prononcé à de nombreuses reprises contre la politique de son gouvernement.
Pour s'être opposés au régime, des centaines de milliers de Syriens ont été arrêtés par les redoutables services de sécurité. Depuis 2011, le pays est déchiré par un conflit meurtrier, déclenché par la répression de manifestations réclamant des réformes démocratiques.
Et alors que des millions de Syriens se sont réfugiés à l'étranger pour fuir les combats, certains sont aussi partis craignant d'être interpellés et torturés par le régime.
Pour eux, découvrir leur nom sur la liste publiée par Zaman Al-Wasl, signifie une chose claire: une visite au pays pourrait bien se terminer en prison, voir bien pire sous un régime accusé à l'étranger --documents à l'appui-- d'arrestations arbitraires, tortures et de milliers de disparitions...
- Dilemme -"C'est un motif de fierté d'avoir attiré l'attention des autorités. Mais cela me rend aussi très triste: si c'est vrai, cela veut dire que je ne reverrai jamais la Syrie", ajoute le professeur Azm.
Selon le site d'opposition, qui affirme avoir obtenu ses informations en 2015 de sources à Damas, la liste a été consultée plus de 10 millions de fois. Dès la publication, les militants en exil ont fait circuler le lien, sur Facebook ou via la messagerie WhatsApp.
Nombre d'entre eux savaient déjà qu'ils étaient persona non grata dans leur pays, mais ils étaient avides de détails: quel service leur en voulait? Pour un interrogatoire ou une arrestation?
La base de donnée ne précise pas les motifs pour lesquels les personnes sont recherchées. Nul ne sait, en outre, si elle est mise à jour. Mais quand Zeina (un pseudonyme, ndlr) a appris l'existence de la liste, elle l'a vite consultée.
"Je préférais savoir", témoigne celle qui a quitté la Syrie en 2012, après avoir été arrêtée à deux reprises pour avoir participé à des manifestations.
Sa recherche n'a donné aucun résultat. "J'espère que cette liste est authentique, pour des raisons égoïstes: je n'y figure pas et j'ai envie de rentrer en Syrie", avoue-t-elle.
Mais elle fait face à un dilemme: "Rentrer et prendre le risque d'être arrêtée ? Ou ne jamais revenir alors que je ne suis peut-être même pas recherchée ?"
Réfugié depuis deux ans en Allemagne avec sa femme et ses trois enfants, Mohammad Kheder veut rentrer dans son pays mais il est conscient qu'il devra attendre.
- "On va revenir" -"Je ne cherche pas à m'accoutumer à la vie ici, parce qu'on va revenir en Syrie", martèle le trentenaire.
Il se souvient avec nostalgie de l'euphorie ressentie lorsqu'il défilait en 2011 contre le régime dans sa ville de Boukamal (est). Sans surprise, son nom figure sur la liste.
"Je n'ai même pas été regarder, je connaissais déjà le résultat. Mes amis m'ont envoyé des captures d'écran avec mon nom", raconte-t-il.
"C'était un peu comme une décoration. Cela renforce ma volonté de rentrer, mais pas tant qu'Assad est au pouvoir. Je suis sur la liste des personnes recherchées par Assad ? Et bien il est sur la mienne", s'amuse-t-il.
Même des personnes vivant en Syrie, en dehors des zones tenues par le gouvernement, consultent des listes similaires divulguées sur le net, à l'instar de Dilbrin Mohammad, 37 ans.
En proie au doute, cet ancien manifestant de 2011 préfère ne prendre aucun risque et évite d'entrer dans les secteurs aux mains du régime.
"Je rêve de me promener de Hamidiyé à Salihiyeh", deux quartiers historiques de Damas, confie-t-il. Mais la capitale, à plus de 700 km de la zone sous contrôle kurde où il vit aujourd'hui, lui semble inaccessible.
"Les zones contrôlées par le régime, c'est comme un autre pays, pour lequel on aurait besoin d'un visa. C'est comme si c'était la Corée du Nord et que je vivais en Corée du Sud".
(©AFP / 05 avril 2018 13h47)
(Il est temps en vue de la reconstruction du pays que le gouvernement syrien revoie sa liste d'amnistiés au cas par cas et le fasse savoir aux personnes intéressés à travers cette fameuse liste de personnes recherchés. note de rené)
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