Martinique : une hausse du nombre de pubertés précoces liée au chlordécone ? (France)
Un pédiatre affirme que la Martinique connait une hausse anormale du nombre de pubertés précoces à cause du pesticide chlordécone. Toutefois, ce lien n'est pas prouvé par les études épidémiologiques.
Surpoids, cancer, mauvaise estime de soi... Les conséquences des précocités pubertaires sont multiples et désastreuses pour l'enfant.
PARAMOUNT PICTURES / COLLECTION CHRISTOPHEL
Le chlordécone, pesticide interdit d'utilisation en 1989 en France et 4 ans plus tard aux Antilles pour des raisons économiques, est-il la cause d'une précocité pubertaire (voir encadré ci-dessous) particulièrement importante chez les petites Antillaises à cause de sa nature particulièrement persistante ? C'est ce que pense le Dr Félicien Mbou, pédiatre martiniquais, qui a exprimé son inquiétude le 21 janvier 2018 sur la télévision martiniquaise Martinique 1ère. Il dit avoir recensé en une vingtaine d'années de carrière une incidence de pubertés précoces de 8 à 10 fois plus élevée qu'en France métropolitaine.
Les études ne montrent pas à ce jour de lien entre chlordécone et puberté précoce
Pourtant, une éventuelle hausse du nombre d'enfants touchés par la puberté précoce ces dernières années aux Antilles n'est pas établie. "Il n’existe aucune étude scientifique publiée ayant pu estimer l’incidence ou la prévalence de la puberté précoce aux Antilles", affirme Luc Multigner, médecin épidémiologiste à l'Inserm et coordinateur depuis près de 20 ans de travaux sur les conséquences sanitaires de l'exposition du chlordécone aux Antilles. De plus, le lien entre puberté précoce et chlordécone n'est pas non plus scientifiquement avéré à l'heure actuelle. "Il n’existe à ce jour strictement aucune étude scientifique publiée suggérant ou montrant quelque lien entre le chlordécone et la survenue de pubertés précoces, ajoute l'épidémiologiste. Qui plus est, la seule étude qui vise à aborder ces aspect est la cohorte mère-enfant baptisée Timoun (ndlr : qui veut dire "enfant" en créole) actuellement en cours." Le chlordécone a été utilisé pendant de nombreuses années pour protéger les cultures, notamment de bananes, richesse locale. Très stable, il peut persister plusieurs siècles après utilisation. Parmi les effets à long terme connus et liés à l'exposition à ce perturbateur endocrinien : dermatites, cancers et effets toxiques sur la reproduction ou le développement.
PUBERTE PRECOCE. La puberté précoce se traduit chez les petites filles par le développement de la poitrine avant l'âge de 9 ans. Le Dr Mbou rapporte de son côté avoir diagnostiqué un cas chez une jeune fille de 2 ans. Chez les garçons, la puberté précoce est réelle mais difficile à diagnostiquer, puisqu'elle se traduit principalement dans l'augmentation du volume testiculaire.
Puberté précoce : la situation en métropole
En métropole, "ces 20 dernières années, la puberté a avancé de 12 à 14 mois chez les petites filles", expose le Pr Charles Sultan, pédiatre spécialiste des perturbateurs endocriniens officiant à Montpellier. Il vient en effet de terminer une étude sur les pubertés précoces dans le sud de la France concluant une multiplication par 10 des cas de pubertés précoces en 20 ans. L'"effet cocktail" - l'exposition d'une population à plusieurs facteurs délétères en augmentent la nuisance potentielle - fait qu'il est "impossible d'identifier une relation directe avec un des milliers de produits chimiques présents dans notre environnement", explique le Pr Sultan. Des perturbateurs endocriniens sont sur le banc des accusés : bisphénol A, plastiques, pesticides, phtalates… Autant de substances dont les effets commencent juste à être connus, dont la précocité pubertaire. "Les petites filles atteintes ont plus de risque d'être en surpoids, de développer des troubles cardiovasculaires ou des cancers du sein chez la femme jeune", explique le Pr Sultan, ajoutant que les conséquences psychologiques sont aussi désastreuses, incluant notamment troubles du comportement, dévalorisation et mauvaise insertion sociale. Pour lui, c'est à la fois "un problème médical, social, sociétal et psychologique". Et pour les solutions ? Dans le Sciences et Avenir n°850, une interview du Pr Sultan propose notamment l'interdiction des pesticides et de privilégier l'alimentation "bio".
(Ce pesticide est un poison violent, la Martinique et la Guadeloupe aurait dû être évacuées. note de rené)
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