La veuve de l’assassin du commandant Massoud a manqué "à ses devoirs de citoyenne belge".
C’est une décision exceptionnelle qui a été rendue jeudi par la cour d’appel de Bruxelles. Celle-ci a décidé de déchoir de leur nationalité belge deux personnes condamnées pour terrorisme. Malika El Aroud, pionnière de la djihadosphère et veuve de l’assassin du commandant Massoud, n’est désormais plus que marocaine tandis que Bilal Soughir, qui avait recruté en 2005 Muriel Degauque, la première Occidentale kamikaze, n’est plus que tunisien.
Agée de 58 ans, Malika El Aroud a un parcours unique dans les annales du terrorisme. Elle a rejoint l’Afghanistan avec son mari qui, deux jours avant les attentats du 11 septembre, a commis l’attaque-suicide ayant coûté la vie au commandant Massoud. Elle a revendiqué l’acte de son mari à son procès où elle fut acquittée en 2003. Elle était devenue une icône dans les milieux djihadistes.
Aucun repentir
Elle s’est remariée avec un homme avec qui elle sera condamnée en Suisse pour avoir lancé un site glorifiant le djihad. De retour en Belgique, le couple a organisé une filière d’envoi de combattants en Afghanistan empruntée par sept personnes. Parmi ceux-ci, son mari, Moez Garsallaoui, qui sera abattu sur place par un drone. Arrêtée en 2008, elle a été condamnée à huit ans de prison, toujours défiante, s’excusant ainsi à son procès "auprès des porcs pour les avoir comparés à des soldats américains". Elle était libre depuis décembre dernier.
Bilal Soughir, 44 ans, avait été condamné à cinq ans de prison en 2008. La cour d’appel avait estimé qu’il était le chef d’une filière d’envoi de candidats au martyr en Irak. C’est celle-ci que Muriel Degauque avait empruntée en 2005 pour gagner l’Irak où elle avait perdu la vie dans un attentat-suicide.
Dans cette filière, c’est Bilal Soughir qui avait les contacts à l’étranger menant vers Moussab al-Zarqaoui, le Jordanien - lequel avait fait allégeance à Al-Qaïda et dont le groupe est considéré comme le précurseur de l’Etat islamique.
Une procédure très encadrée
Les procédures en déchéance de nationalité ne peuvent viser que les "nouveaux Belges" qui disposent d’une deuxième nationalité. Elle est une sanction civile prise par une cour d’appel. Deux motifs peuvent être invoqués. Le premier est d’avoir acquis frauduleusement la nationalité : cela peut être via de faux papiers ou en simulant un mariage. La seconde est d’avoir "manqué gravement à ses devoirs de citoyen belge".
C’est ce second motif qui a été retenu à charge de Malika El Aroud et de Bilal Soughir. Ils ont pu, le 26 octobre, avec leurs avocats, Mes Nicolas Cohen et Olivia Venet, répondre aux arguments développés par l’avocat général André Vandoren. Après en avoir délibéré, la cour d’appel de Bruxelles a rendu son arrêt jeudi.
Les arrêts de déchéance de nationalité sont extrêmement rares. Il n’y aurait eu qu’une dizaine de cas. Quatre seulement ont trait au "manque grave à ses devoirs de citoyen". A chaque fois, il a été question d’incompatibilité de l’islam radical avec la citoyenneté belge.
Trois décisions ont été prises à Bruxelles. Elles ont frappé le Tunisien Tarek Maaroufi, condamné à trois reprises pour terrorisme, le Marocain Abdelcrim El Hadouti, qui avait épaulé en 2001 Nizar Trabelsi dans la préparation d’une bombe qui devait exploser à la base militaire de Kleine-Brogel et le Tunisien Omar Sliti qui avait rejoint l’Afghanistan des Talibans en 2000. A Anvers, un Marocain, Mohamed R’ha, impliqué dans un réseau islamiste au Maroc, a également été déchu de sa nationalité belge.
Une autre procédure en déchéance de nationalité est toujours pendante à Anvers. Elle vise Fouad Belkacem, le leader charismatique de Sharia4Belgium.