La guerre du thon enflamme les îles Marquises (France)
Un projet industriel s'apprête à lâcher 72 thoniers et 5 navires-usines dans les eaux marquisiennes, à la grande fureur des écologistes et des pêcheurs locaux.
PAR FRÉDÉRIC LEWINO
Publié le | Le Point.fr
Jacques Brel et Paul Gauguin se retournent dans leurs tombes. Qui ose ainsi troubler leur repos éternel sur l'île d'Hiva Oa ? Un projet d'exploitation industrielle du thon obèse, soutenu par la communauté de communes des îles Marquises, commence à faire souffler un vent de colère parmi les pêcheurs locaux et les protecteurs de l'océan. « Il est où, le profit pour les Marquisiens avec ces thoniers industriels venus de Tahiti, payés en grande partie avec l'argent de la défisc [défiscalisation, NDLR] et l'autre partie on ne sait pas d'où ? Et même s'ils embauchent quelques Marquisiens pour la photo, le profit risque d'être de courte durée, car les derniers stocks de bigeye [thon obèse, NDLR] vont rapidement disparaître à cette allure ! » Tout est dit par Joseph, un Marquisien en colère.
Le projet Marquesas Fisheries Project présenté par la communauté de communes, le 7 avril, part du constat que le chômage avoisine les 30 % dans les Marquises, alors que les eaux abondent en gros thons rouges. Or, les petits pêcheurs qui approvisionnent leur famille ou le marché local n'ont pas les moyens d'investir dans une grosse flotte de pêche ni n'en ont le désir, du reste. C'est donc la société Degage qui répond à l'appel de la communauté de communes. Dès septembre prochain, elle prévoit d'envoyer une douzaine de thoniers sillonner les eaux polynésiennes. Une première étape, car, par la suite, elle compte armer deux bateaux-usines, plus une soixantaine de thoniers supplémentaires, et, enfin, cinq bateaux de 50 mètres d'ici deux à trois ans.
Pourquoi vouloir détruire notre environnement unique au monde
À terme, c'est jusqu'à 12 000 tonnes de thon qui partiront en avion pour Hawaï et le Japon afin d'être principalement transformées en sashimi. Le petit souci relevé par les opposants au projet, c'est que, victime de la surpêche, le thon obèse est déjà en situation très délicate dans le monde. Selon la FAO, sa population s'est effondrée de 84 % dans le Pacifique sud. La Fape (Fédération des associations de protection de l'environnement de Polynésie française) a exprimé son inquiétude dans un communiqué : « La commission thonière internationale WCPFC, qui régule la gestion durable des ressources dans le Pacifique sud et central, appelait récemment à une diminution de 36 % de l'effort de pêche de cette espèce pour retrouver un niveau de prélèvement durable du stock. »
Une pétition s'opposant au projet a déjà recueilli 2 500 signatures en quelques jours. Certains petits pêcheurs se déclarent prêts à aller couper les lignes des navires industriels pour protéger leur poisson. Un certain Kaikahi résume bien la situation sur le site Tahiti-info : « Nous Marquisiens, notre mer nous nourrit, nous avons tous du poisson à manger dans nos assiettes et nos enfants grandissent bien, ils vont se baigner dans une mer propre. Nous ne voulons pas échanger notre garde-manger contre de l'argent pour aller acheter du thon ou du mackerel en boîte au magasin quand il n'y aura plus rien. Nous ne voulons pas aller nous baigner dans une mer morte, polluée, et attraper des maladies. Celui qui veut aller pêcher, il attrape facilement du poisson, celui qui ne va pas pêcher, il achète du thon à 500 fcp [le franc pacifique, NDLR] le kilo et fait vivre le petit pêcheur local. Nos enfants ont encore la chance de voir, apprendre, connaître la richesse de notre mer, thon, thazard, raie manta, ature, requin, tortue, etc. Pourquoi vouloir détruire notre environnement unique au monde, porteur de richesse pour les générations futures ! Moni moni moni. »
Dans sa tombe, on entend le grand Jacques éructer : « Les pêcheurs industriels, c'est comme les cochons, plus ça devient vieux, plus ça devient bête. Les pêcheurs industriels, c'est comme les cochons, plus ça devient vieux, plus ça devient con. »
(Un sale projet à la con, ils devraient pendre leurs élus. Mais, non, je déconne. note de rené)
(Un sale projet à la con, ils devraient pendre leurs élus. Mais, non, je déconne. note de rené)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire