En pleine crise bancaire avec les USA, la DDC – via les fonds destinés à l’aide au développement et à la coopération – a versé un demi-million à la Fondation Clinton, fondée par Bill Clinton. Maladresse ou erreur politique?

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L’ex-présidente de la Confédération, la socialiste Micheline Calmy-Rey. Image: Archives/Keystone
Et si l’affaire est potentiellement explosive, c’est que la somme a été versée en 2011. Berne est alors en plein différend politique et judiciaire avec Washington à propos des comptes de clients américains dans les banques suisses. A la tête de la diplomatie helvé­tique, et donc aussi responsable de la DDC, Micheline Calmy-Rey. A la tête de la diplomatie amé­ricaine, Hillary Clinton. Cette somme a-t-elle joué un rôle dans la résolution du conflit? Cette question est en filigrane de la polémique. D’autant plus que, à l’époque, la secrétaire d’Etat américaine était en contact étroit avec la conseillère fédérale.Dans le journal dominical, des diplomates critiquent un don «discutable» d’un pays neutre à une organisation appartenant à un ancien président. La DDC – elle – dément. «Nous n’avons pas d’autres liens opérationnels ou financiers avec la Fondation Clinton. La Suisse n’a pas d’agenda caché et n’instrumentalise pas la coopération au développement à des fins politiques.»
Très problématique
Etant à l’étranger, et n’ayant pas lu l’article, Micheline Calmy-Rey n’a pas souhaité réagir. Mais sous la Coupole, la stupéfaction l’emporte. «C’est très problématique, commente Luzi Stamm (UDC/AG). Si cette affaire est avérée, ce n’est pas la DDC qui doit être pointée du doigt, mais Micheline Calmy-Rey.» Même du côté des fidèles lieutenants de la Genevoise, on est emprunté. «Je suis très surpris par ces révélations, commente Carlo Sommaruga (PS/GE). Il n’est pas fréquent que la DDC passe par une fondation dont le but premier n’est pas l’aide au développement. C’est une erreur politique.»
Ce don a-t-il pu faciliter les relations avec les Etats-Unis? «Affirmer cela, c’est sous-entendre que Hillary Clinton a pu être corrompue.» Quelles conséquences faut-il en tirer? «Nous devons dés­ormais contrôler que l’argent a bien été investi, dit Carlo Sommaruga. L’efficacité de ce projet doit être évaluée. Pour la suite, il faut une plus grande attention autour des dépenses de la DDC.»
L’affaire ne va pas en rester là. Roland Büchel (UDC/SG), président de la Commission de politique extérieure du National, prévient d’ores et déjà qu’il exigera des éclaircissements de la part du Département des affaires étrangères. «Notre prochaine séance est prévue dans une semaine à Genève. Didier Burkhalter devra répondre à nos questions.»
«Ne pas diaboliser»
Face à cette agitation, certains élus appellent à un peu de retenue. «Nous ne devons pas partir sur les chapeaux de roues, réagit Manuel Tornare (PS/GE). Ce don n’était sans doute pas judicieux, mais j’ai quand même du mal à croire qu’il est possible d’acheter les Etats-Unis avec 500 000 francs. Les républicains étant désormais au pouvoir à Washington, je ne doute pas que toute la lumière sera faite sur la Fondation Clinton.»
Cette fondation, Claude Béglé (PDC/VD) la connaît bien. Membre lui aussi de la Commission de politique extérieure, le Vaudois a pris part il y a quelques années à la Clinton Global Initiative. «A titre personnel, je ne pense pas qu’il s’agit de corruption. La DDC a ses propres objectifs. Elle a sans doute estimé que la Fondation Clinton était l’organisation la mieux placée pour aider dans ce domaine.» Et l’élu PDC de conclure: «Durant la campagne des élections américaines, on a diabolisé Trump; il ne faudrait pas dés­ormais diaboliser tout ce que les Clinton ont fait.» (24 heures)
Par Florent Quiquerez | 14.11.2016
Source: 24 heures