Le rendement des cultures américaines ne serait pas meilleur qu'en Europe.
La chute des prix des céréales rend ces semences moins intéressantes.

Il y a comme un vent de fronde au royaume des OGM. Plombés par la baisse des prix céréaliers, certains agriculteurs américains se demandent s'ils ont toujours intérêt à cultiver des organismes génétiquement modifiés, qui leur coûtent jusqu'à deux fois plus cher à planter que des semences classiques. Loin des préoccupations européennes sur la santé publique et la biodiversité, le débat sur les OGM qui est en train de naître aux Etats-Unis tient donc à un tout autre aspect : le retour sur investissement.
La période n'est effectivement pas propice aux dépenses inutiles : depuis quelques années, le monde consomme moins de maïs, de soja et de blé qu'il n'en produit. Conséquence : le prix du maïs a fondu de moitié depuis son pic de 2012, passant brutalement de 8 à 4 dollars le boisseau. C'est aussi le cas du soja, dont les prix ont chuté de 46 % sur trois ans. Il y a peu de raisons de penser que les prix remontent en flèche au cours des cinq prochaines années, prévient le ministère de l'Agriculture. Les revenus des agriculteurs s'en ressentent : ils ont chuté de 42 % en trois ans (2013-2016), selon le ministère.
Le coût des semences OGM a pris le chemin inverse. Il ne cesse d'augmenter chaque année. A titre d'exemple, les agriculteurs dépensent quatre fois plus pour l'achat de leurs semences de maïs qu'ils ne le faisaient il y a vingt ans, quand Monsanto a commercialisé ses premiers OGM. Le prix auquel les agriculteurs facturent leur maïs n'a pas augmenté pour autant. «  Le retour sur investissement n'est pas au rendez-vous », estime Joe Logan, un fermier de l'Ohio cité récemment par le « Wall Street Journal ». Il compte abandonner les OGM l'an prochain pour se remettre à planter des semences classiques.
Les OGM font d'autant plus débat qu'ils ne tiennent pas forcément leurs promesses, en tout cas dans les pays développés. Les deux plus gros producteurs, Monsanto et Dupont, avaient fait miroiter un accroissement des rendements et des économies substantielles grâce à un moindre recours aux pesticides. Mais les données mondiales publiées par les Nations unies et différents centres de recherche montrent que l'Amérique n'a guère tiré d'avantages par rapport à l'Europe - où la culture des OGM reste largement interdite.
Le « New York Times » a ainsi pris la peine de comparer les rendements des cultures américaines et européennes. Il en ressort que les Etats-Unis n'affichent pas de meilleurs rendements agricoles que l'Europe. «  Nous n'avons pas la preuve que les OGM introduits aux Etats-Unis ont augmenté les rendements agricoles, au-delà de ce qui a pu être constaté pour les cultures conventionnelles », abonde l'Académie nationale des sciences dans un récent rapport. Le rendement des cultures de maïs, par exemple, a progressé de seulement 20 % sur vingt ans, selon le ministère de l'Agriculture - alors même que le prix des semences OGM de maïs a bondi de 400 % sur la même période.

Hausse de la consommation d'herbicides

Le moindre recours aux pesticides est tout aussi discutable. Et pour cause : les mauvaises herbes ont évolué pour résister au Roundup - le fameux herbicide de Monsanto - et les fermiers sont contraints de ressortir des désherbants à la fois plus anciens et plus puissants, tel le Dicamba. Les données publiées dans une récente étude géologique nationale (United States Geological Survey) montrent ainsi que les agriculteurs américains ont augmenté leur consommation d'herbicides de 21 % sur vingt ans alors que les Français ont réduit la leur de 35 % sur la même période.
Les Américains ont bien réussi à réduire l'utilisation d'insecticides sur deux décennies (-33 %), mais deux fois moins que les agriculteurs français (-65 %). L'écart n'est pas neutre. Car, si rien ne prouve la nocivité des OGM en matière de santé publique, le fait que certains pesticides soient cancérigènes ne fait plus débat.
Lucie Robequain, Les Echos
Bureau de New York
UN RECOURS QUASI SYSTÉMATIQUE AUX ETATS-UNIS
Les organismes génétiquement modifiés (OGM), qui fêtent leur vingtième année de commercialisation aux Etats-Unis, ont cannibalisé pratiquement toutes les autres formes de cultures dans le pays. Ces organismes, qui requièrent moins de pesticides et résistent mieux aux climats extrêmes, constituent désormais la quasi-intégralité des cultures de maïs (88 %), de coton (93 %) et de soja (94 %).
@robequain