Deux jours après la publication d’un appel signé par 1 200 médecins, le ministre de l’Ecologie Philippe Martin a affiché jeudi sa détermination à agir contre l’usage de pesticides dont les impacts sanitaires sont de plus en plus mis en avant par les scientifiques.
Lors d’un colloque à l’Assemblée nationale sur les effets des pesticides, le ministre a rappelé que les analyses scientifiques démontrant un lien entre leur utilisation et certaines pathologies se multiplient, citant notammentles travaux de l’Inserm publiés en 2013.
Cette situation «a conduit 1 200 médecins à signer un appel» mettant en garde contre la présence de pesticides dans notre environnement, «appel que j’ai reçu comme une responsabilité supplémentaire à agir», a déclaré Philippe Martin.
Dans son analyse des études existantes, l’Inserm a indiqué en juin avoir «une présomption forte» entre l’usage de pesticides par des professionnels (agriculteurs, personnels des fabricants ou chargés des espaces verts) et plusieurs pathologies.

DE NOUVEAUX EFFETS RÉGULIÈREMENT DÉCELÉS

Isabelle Baldi, chercheuse à l’Inserm, a précisé que «globalement il y avait moins de cancers dans la population agricole», mais que «certains cancers étaient plus fréquents», dont celui de la prostate, du cerveau, des lymphomes et myélomes multiples. Selon la scientifique, ces cancers sont 10 à 20% plus nombreux chez les agriculteurs, population la plus exposée aux pesticides. Un lien a également été fait avec la maladie de Parkinson.
L’Inserm a aussi mis en avant, via l’exposition au domicile ou l’alimentation des femmes enceintes, des risques accrus pour leurs enfants de développer une leucémie, une tumeur cérébrale ou une malformation génitale.
«De nouveaux effets (des pesticides) sont régulièrement décelés», a souligné le ministre, citant un avis de l’Agence européenne de sécurité des aliments (EFSA) de décembre dernier qui avertit d’un lien entre deux substances actives d’insecticides néonicotinoïdes (l’acétamipride et l’imadaclopride) et des troubles du système nerveux humain.
La famille des néonicotinoïdes était jusqu’ici mise en cause pour des effets sur la mortalité des abeilles, ce qui a conduit l’Union européenne à décider en 2013 d’un moratoire de deux ans sur certaines cultures pour trois de ces substances, dont l’imidaclopride.

DÉVELOPPER DES ALTERNATIVES À L'ÉPANDANGE

Dans ce contexte, le gouvernement a lancé plusieurs actions, d’autant que le plan Ecophyto lancé en 2008, visant à réduire de 50% en dix ans l’utilisation des pesticides, ne permettra pas au rythme actuel d’approcher cet objectif.
Philippe Martin a mis en avant l’application à 40 nouveaux produits de la redevance maximale payée sur les produits phytosanitaires, ce qui devrait générer 30 millions d’euros de recettes supplémentaires. Au sujet des épandages aériens, possibles seulement sur dérogation, le ministre de l’Ecologie a dit «souhaiter que les solutions alternatives se développent».
Enfin, en 2014 doit être dévoilée une Stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens, des molécules suspectées de causer infertilité, obésité et puberté précoce.
Pendant ce colloque, François Veillerette, porte-parole de l’ONG Générations futures, a déploré «une sous-estimation du risque» liés aux pesticides, notamment en raison de tests réalisés sur la substance active et non sur la préparation commerciale. «Cela remet en cause l’évaluation actuelle du risque», a poursuivi François Veillerette, en s’appuyant sur une nouvelle étude du Pr Gilles-Eric Séralini, qui montre que les préparations commerciales sont «2 à 1 000 fois plus toxiques que les principes actifs».
Gilles-Eric Séralini, auteur d’une étude très controversée en 2012 sur les effets des OGM et du pesticide Roundup, a publié cette nouvelle étude il y a quelques jours dans la revue BiomedResearch International (groupe Hindawi).
AFP