Ma mère s'en va.
C'est drôle, on se prenait pour un gros costaud et on verse des larmes d'enfants.
Ma mère se meurt à Tahiti entourée de son mari, de mon frère aîné et de ses enfants. Je pars là-bas les rejoindre.
Ma mère est une époque, elle se termine.
Petite isola, princesse kanak de l'île de Lifou, princesse Whanyamala, à l'époque où les colons chassaient les kanak de leurs terres, a été adoptée petite fille par l'un des colons les plus riches de Nouvelle Calédonie.
Jules Calimbre, dit le patron n'avait qu'un fils qui est mort 15 jours avant la déclaration de l'armistice de la grande guerre de 1914-1918.
Le père de ma mère travaillait pour cet homme là et habitait dans les logements attenants à la maison du maître.
Sa petite fille jouait dans la cour.
La femme du "patron" s'est prise d'affection pour elle et ils l'ont adoptée.
Du jour au lendemain, alors que le pasteur Leenhart et que les catholiques promouvaient les écoles pour les tribus et que le cantonnement continuait à faire fureur. C'est-à-dire parquer les kanak dans des réserves, elle fut la première kanak à entrer dans l'école des soeurs de Nouméa, la capitale.
Comme, il était riche, elle fut acceptée par tout le monde.
Le patron fut le premier à avoir une auto en Nouvelle Calédonie.
Elle avait des domestiques indonésiens.
Lorsqu'elle se maria avec un ethnologue, sa vie changea et ils partirent pour Paris, seul endroit en France où faire carrière.
Il devint l'un des directeurs du musée de l'homme de Paris.
Jamais, ils ne se sont quittés. Toujours fidèles l'un à l'autre.
Ma mère, ma petite maman dragon comme je l'ai appelé dans un livre que j'ai écrit qui se nomme, "Le feu sous la marmite", je t'aime et je te rends hommage.
Mon père a défendu les kanak, moi, je les ai défendu en tant que militant indépendantiste du Front de Libération. Des camarades sont morts, moi, je suis vivant.
Aujourd'hui, je voudrais défendre la démocratie que l'on nous confisque.
Mon militantisme se prononce désormais contre toutes les injustices faîtes aux peuples de notre planète et faites à notre planète.
Mes larmes sont des larmes d'enfants pour sa maman.
Mais, elle ne me quittera pas, comme ne me quittent pas les vieux kanak, André Wabéalo, Michel Wabéalo, Fessard Wabéalo qui m'ont accompagnés et toujours soutenu lorsque je défendais le peuple kanak et que j'étais prêt à mourir pour cette cause. Et, elle m'a toujours défendue dans ce combat. Quittant même Paris pour me soutenir devant les murs du camp Est, la prison de Nouméa où ils m'avaient enfermé.
Alors, je le crie très fort, "Maman, je t'aime ! S'il te plaît ne t'en va pas !".
René.
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