Les squelettes de Chrystia Freeland et le silence de Justin Trudeau (Canada)
Cet article a été publié initialement le 10 mars 2017.
Le deux poids deux mesures du Canada en ce qui concerne l’antisémitisme ne cessera jamais d’étonner. Le cas de la ministre des Affaires étrangères, Madame Chrystia Freeland saute aux yeux. Si jamais une politicienne ou politicien québécois, à Québec ou à Ottawa, avait un squelette dans le placard comme celle qu’on vient de découvrir dans celui de Mme Freeland, elle aurait déjà été destituée, sinon jetée en prison.
Regardons les faits. Selon Madame Freeland, son grand-père, Michael Chomiak, était un « patriote » ukrainien et un « réfugié politique ». En août 2016, elle a dit de lui qu’il « a travaillé fort pour restaurer la liberté et la démocratie en Ukraine ». Les histoires sur son passé de collaborateur nazi, de propagandiste anti-Juif, d’adulateur de Hitler et de Goebbels seraient, selon son bureau et elle, de la propagande russe. Il faudrait regarder d’où viennent ces informations, disent-ils, prétendant que ce ne sont que des ragots provenant de sites Russes ou pro-russes.
Il ne s’agit pas ici de lui attribuer une quelconque responsabilité pour les crimes de son grand-père. Mais de là à transformer ses crimes en combat pour la liberté et la démocratie, il y a un énorme pas que le Parti Libéral du Canada et une bonne partie de la classe politique canadienne semble être prêt à franchir.
Voici comment elle décrit dans un Brookings Essay le parcours de son grand-père en mai 2015, alors qu’elle n’était pas encore députée.
« Je suis… une fière membre de la communauté canado-ukrainienne. Mes grands parents maternels (Chomiak) ont fui l’ouest de l’Ukraine après la signature par Hitler et Staline du pacte de non-agression en 1939. Ils n’ont jamais osé y retourner, mais ils ont gardé un contact étroit avec leurs frères et sœurs et leurs familles qui y sont restés. Pour le reste de leur vie, mes grands parents se voyaient comme des exilés politiques ayant la responsabilité de maintenir en vie l’idée d’une Ukraine indépendante, qui avait existé brièvement pendant et après le chaos de la révolution russe de 1917. Ce rêve a persisté, dans la génération suivante et, dans certains cas, dans la troisième génération. »
Il s’agit là d’un mensonge éhonté et ce n’est pas une source russe qui nous le dit. Mais d’abord les archives de l’Alberta (p. 14) et sa propre famille.
« Chomiak, Michael, fonds
Date Range: 1919-1983
En 1928, à titre de journaliste, il a commencé à travailler au quotidien Dilo, et de 1934 à 1939, il était membre du comité éditorial. Pendant l’occupation nazie, il était rédacteur de Krakivski Visti, publié d’abord à Cracovie et après à Vienne. La famille Chomiak a immigré au Canada en 1948. Après une brève période de travail manuel, Michael Chomiak a trouvé un emploi chez Sherritt Gordon Mines Limited à Fort Saskatchewan, en Alberta. Il y est resté jusqu’à la retraite. »
Krakivski Visti n’était pas n’importe quel journal : c’était, comme l’indique le musée de l’Holocauste de Los Angeles, un « journal collaborationniste ukrainien ». La publication a commencé dès le début de l’occupation allemande en 1940. Il a pu voir le jour parce que, avec le soutien allemand, il prit les équipements d’une maison d’édition appartenant jusque-là à des Juifs qui avaient été chassés conformément à la politique d’aryanisation (transfert de propriété de Juifs vers des non Juifs). Les anciens propriétaires juifs ont été transportés au camp de concentration Belzec où ils sont morts. Et si le grand-père de Madame Freeland a déménagé à Cracovie et à Vienne, c’était parce que les Nazis se faisaient chasser de ces régions par l’Armée rouge. Mais le journal, dont il était rédacteur, a continué à être le porte-parole en ukrainien de Joseph Goebbels et de Hitler et des pires attaques antisémites, particulièrement à partir de 1943.
Madame Freeland savait-elle que son grand-père était un collaborateur nazi? Le Globe & Mail nous informe qu’elle le savait depuis plus de 20 ans. En fait, son oncle, John-Paul Himka, un universitaire, a remercié Mme Freeland pour son aide dans un article publié en 1996 sur la relation entre les Ukrainiens et les Juifs qui décrit clairement le rôle de collaborateur nazi du grand-père.
Mais on ne peut pas dire que le Parti libéral du Canada n’a pas de la suite dans les idées. En effet, dans la période d’après guerre, le gouvernement du Canada – encore les Libéraux – comme le gouvernement américain recrutaient activement d’anciens Nazis et d’anciens collaborateurs pour les aider dans la prochaine guerre qu’ils préparaient contre l’Union Soviétique. C’est probablement dans ce cadre que le collaborateur Michael Chomiak et sa famille sont arrivés en 1948.
Aujourd’hui, le gouvernement du Parti libéral se fait provocateur et belliqueux avec la Russie. Et la nomination d’un ministre aux Affaires étrangères d’une personne animée par une telle virulence antirusse fait partie de cette provocation.
Aussi, le silence du premier ministre Trudeau et le refus de lui demander à Mme Freeland de se récuser pour avoir menti sur le passé collaborationniste de son grand-père démontrent une insensibilité inouïe à l’égard des millions de victimes juives et non juives des Nazis.
Robin Philpot
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