mardi 6 septembre 2022

 Les pays de la région dépensent des fortunes pour ensemencer les nuages. Pour rien ?

Repéré par Thomas Burgel sur New York Times VIA KORII

02/09/2022 à 19h47


C'est une drôle de guerre que décrit un article passionnant du New York Times: la féroce bataille pour le contrôle des cieux, des nuages et des pluies qui peuvent en tomber dans un Moyen-Orient de plus en plus désertique.

Le quotidien américain raconte ainsi comment, dès 2018, un général des puissants corps des Gardiens de la révolution islamique, Gholam Ridha Jalali, accusait Israël et «un autre pays» de voler des nuages qui revenaient de droit et par nature à l'Iran, et ainsi d'empêcher le pays d'accueillir, en pleine sécheresse, la précieuse pluie qui les accompagne généralement.

Comme l'explique le New York Times, l'«autre pays» que ne nommait pas Gholam Ridha Jalali sont les Émirats arabes unis (EAU). Le programme d'ensemencement des nuages d'Abou Dabi, qui consiste à injecter des produits chimiques dans les cumulonimbus pour les «crever» au-dessus d'un territoire donné, est l'un des plus avancés de la région.

Le voisinage n'est bien sûr pas en reste. Dans la crainte que les EAU n'opèrent une OPA complète sur les cieux du Moyen-Orient, et parce que les précipitations sont rares et en baisse constante (–20% ces trente dernières années), les autres nations du coin se sont elles aussi mises à dépenser des fortunes pour rester dans la course à la pluie –le Maroc, l'Éthiopie, l'Arabie saoudite ou l'Iran, justement, se sont aussi lancés dans l'aventure.

Le procédé n'est pas neuf, et le Moyen-Orient n'est pas le seul à s'être penché sur la question. Plus à l'Est, on sait notamment que la Chine est très avancée dans son programme géant de contrôle de la météo, qui cherche à faire la pluie et le beau temps sur la moitié de son territoire.

La terrible sécheresse qui règne cette année dans l'empire du Milieu semble cependant indiquer un relatif échec. Les experts sont par ailleurs dubitatifs quant à la réelle utilité de ces programmes, et balaient d'un revers de la main la possibilité pour une nation de voler les cumulonimbus promis à une autre, la durée de vie de ces dernier étant très courte.

Appeau à pluie

Comme le note le New York Times, cela n'empêche pas les EAU (est-ce réellement un hasard?) de mettre le paquet et, ainsi, de pousser ses voisins à les imiter.

La population des Émirats est passée de 100.000 personnes au début des années 1960 à plus de 10 millions aujourd'hui. Autant d'âmes qu'il est vital d'abreuver, d'autant qu'elles sont grosses consommatrices de H2O: plus de 550 litres par personne et par jour, contre une moyenne mondiale de 177, selon une étude commandée par le pays lui-même.

La plus grosse partie de cette inextinguible soif est étanchée par les coûteuses usines de dessalement installées dans les Émirats. Qui, en parallèle, ont donc mis en place une véritable petite armée de chasseurs de nuages.

Neuf pilotes sont ainsi en alerte permanente, prêts à prendre les airs dès que les météorologues du cru détectent une formation nuageuse prometteuse. «Nous sommes disponibles 24 heures sur 24, explique l'un d'eux au New York Times. Nous vivons à trente à cinquante minutes de l'aéroport et, une fois arrivé, il nous faut environ vingt-cinq minutes pour prendre les airs.»

Deux composés sont utilisés par les EAU pour ensemencer les éventuels nuages: l'iodure d'argent, substance traditionnellement utilisée dans le monde pour faire pleuvoir les cumulonimbus, ainsi qu'une matière nouvellement brevetée à l'université Khalifa d'Abou Dabi, utilisant les nanotechnologies pour une plus grande efficacité dans les conditions climatiques particulières de la zone.

Ces substances sont généralement injectées à la base des nuages, puis sont «aspirées» vers le haut par des courants ascendants. Elles sont supposées agréger les particules humides pour former des gouttes de plus en plus lourdes, jusqu'à ce qu'elles finissent par se décrocher des cieux pour tomber sur le plancher des vaches, sans que les molécules utilisées n'aient d'impact environnemental, à en croire leurs zélateurs.

Est-ce efficace? Les pays misant des millions de dollars dans leurs programmes semblent persuadés que oui. Nombre de scientifiques le sont en revanche beaucoup moins: selon eux, il est notamment impossible de savoir si le nuage se serait percé ou non, avec ou sans ensemencement. D'ailleurs, Israël a fini par abandonner son propre programme après plus de cinquante ans, le jugeant économiquement inefficace.

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