REMPLACER LE GAZ RUSSE PAR LE GNL AMÉRICAIN, LE PIRE DES SCÉNARIOS CLIMATIQUES : ON VOUS EXPLIQUE POURQUOI EN UNE INFOGRAPHIE
Pour assurer notre sécurité énergétique, l'Union européenne se tourne vers le gaz naturel liquéfié (GNL). La Commission européenne vient de signer un accord avec les États-Unis pour assurer un approvisionnement stable jusqu'en 2030. De nouvelles infrastructures vont ainsi voir le jour sur le continent. Mais le GNL a un impact carbone plus important que le gaz transporté par gazoduc. Cette stratégie pourrait donc mettre à mal nos objectifs climatiques.
En marge du sommet européen qui s’est tenu les 24 et 25 mars, la Commission européenne et les États-Unis ont signé un accord pour livrer 15 milliards de mètres cube de gaz naturel liquéfié (GNL) supplémentaires dès cette année, soit une hausse de 70 % par rapport à l’approvisionnement actuel, et jusqu’à 50 milliards ensuite chaque année d’ici 2030. Face à la guerre en Ukraine, c’est la principale voie choisie par Bruxelles pour assurer la sécurité énergétique du continent. L’objectif est ainsi de ne plus dépendre des combustibles fossiles russes d’ici 2027.
Dans le même temps, la France, qui est déjà dotée de quatre terminaux méthaniers terrestres, planche sur une cinquième installation dans le port du Havre, flottante cette fois-ci, selon une information des Échos. L’Hexagone deviendrait ainsi le 3e pays le plus important en termes de capacités d’importation de GNL en Europe. L’Allemagne a également annoncé la construction de son premier terminal méthanier. Une course au GNL qui inquiète sur le plan climatique.
"Il ne faudrait pas que notre volonté d’indépendance énergétique face à la Russie ne se fasse au détriment du climat", prévient Alexandre Joly, consultant senior au sein du cabinet Carbone 4. En octobre dernier, il a co-publié une analyse comparative de l’empreinte carbone amont (de l’extraction jusqu’au lieu de livraison) du gaz naturel transporté par gazoduc et du gaz naturel liquéfié pour la France. Il apparaît que le GNL émet deux fois et demi plus de CO2 équivalent que le gaz transporté par gazoduc. En cause, la préparation du gaz naturel (purification et liquéfaction) en vue de son transport en méthanier, puis le transport lui-même par bateau, et enfin la regazéification du gaz liquide.
L’UE pourrait se passer de gaz russe sans construire de nouvelles infrastructures
Ainsi, le gaz naturel liquéfié américain apparaît comme la pire des solutions sur le plan climatique avec une empreinte carbone amont dix fois supérieure par exemple au gaz norvégien ou néerlandais transporté par gazoduc. Il est aussi deux fois plus émetteur que le GNL russe, en raison de la distance parcourue plus importante, qui implique des fuites de méthane plus élevées, mais aussi du mode extractif. Le GNL américain est souvent issu de gaz de schiste extrait par fracturation hydraulique, "un processus qui nécessite un apport supplémentaire d’énergie afin de fracturer la roche et qui entraîne des rejets de méthane également supérieurs par rapport à une configuration conventionnelle", explique Carbone 4.
"Bruxelles justifie le recours au GNL comme une solution de court-terme pour répondre à la crise, mais ça ne tient pas car les contrats et les investissements engagés nous enferment pour plusieurs années encore dans notre addiction aux énergies fossiles. Le risque est de ne pas atteindre nos objectifs climatiques alors que nous savons que nous devons sortir des énergies fossiles d’ici 13 ans", réagit Lorette Philippot de l'association Les Amis de la Terre. Elle s’inquiète en outre des procédures d’autorisation pour les nouvelles infrastructures qui sont appelées à être allégées par Bruxelles.
Pourtant, selon une nouvelle étude des groupes de réflexion Ember, E3G, RAP et Bellona, l’Union européenne pourrait se passer de ses importations de gaz russe d’ici 2025 sans construire de nouveaux terminaux de GNL. Deux tiers des importations pourraient être réduites grâce à des mesures d’efficacité énergétique, d’électrification des usages et en augmentant la production d’électricité renouvelable. Le tiers restant pourrait être acheminé par le réseau de gazoducs existants. Bruxelles précise toutefois que tous les travaux d'infrastructures nécessaires (terminaux, interconnecteurs) se feront de la manière la plus "verte" possible, au moyen d'énergie "propre", et que les nouvelles infrastructures devront pouvoir être converties, à terme, à l'hydrogène.
Concepcion Alvarez @conce1
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