De l’amiante détectée dans des produits cosmétiques toujours en vente
Par Clémence Barral source : Marianne
Publié le 23/06/2020 à 19:02
Des milliers de procédures judiciaires sont en cours aux Etats-Unis à cause d’un talc contenant de l’amiante, révèle Bastamag - JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
19.400 procédures judiciaires sont actuellement en cours aux Etats-Unis, engagées par des femmes atteintes d’un cancer de l’ovaire après avoir utilisé du talc "Johnson’s Baby Powder" pour l’hygiène intime. Un produit hygiénique qui contient des traces d’amiante, rapporte le journal Bastamagce 23 juin.En octobre 2019, le géant américain de produits pharmaceutiques J&J a annoncé le retrait des ventes de son talc pour bébé, "six mois après la découverte de traces d’amiante dans plusieurs échantillons, et un premier rappel de plusieurs dizaines de milliers de flacons", précise l’article.
Premier bémol de l’affaire, seuls les Etats-Unis et le Canada sont concernés par ce retrait. En France, le talc en question continu pour l'instant à être commercialisé, notamment via le site de vente en ligne Amazon ou le site Easy pharmacie. Pourtant, au sein des frontières de l’Union européenne, l’importation de produits contenant de l’amiante est interdite depuis 2005.
EN FRANCE, RIEN NE BOUGE
"Le talc est un minéral naturel extrait dans des mines. Dans les gisements exploités, le talc coexiste avec divers minéraux parmi lesquelles on peut trouver de l’amiante", explique au journal Alain Bobbio de l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva). Présent dans un grand nombre de produits cosmétiques comme les anti-transpirants, les poudres de maquillage, ou encore les soins pour bébés, il peut avoir des conséquences dramatiques et irrémédiables, selon le gisement dont il est extrait. Les personnes victimes de cette exposition à l’amiante, bien souvent des femmes, ont développé des cancers de l’utérus ou un mésothéliome, forme rare de cancer "dont la seule cause établie à ce jour est l’exposition à l’amiante". Aux Etats-Unis, en juillet 2018, 22 femmes ont réussi à obtenir une reconnaissance judiciaire leur permettant de toucher plusieurs milliards de dollars d’indemnités de la part de l’entreprise J&J. En France cependant, rien ne semble bouger sur le sujet.
L’Andeva a écrit sur le sujet le 3 juin dernier au directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, en demandant un contrôle renforcé de la composition des talcs importés, ainsi qu’une cartographie précise des gisements de talc, de façon à pouvoir identifier ceux qui sont à risque, c’est-à-dire qui contiennent de l’amiante. C’est le ministre de la Santé, Olivier Véran, qui a répondu à l’association le 9 juin. Il rappelle, rapporte Bastamag, que le système européen Rapex (Rapid Alert System for dangerous non-food products) avait relayé en 2018 une alerte lancée aux Pays-Bas suite à la détection de fibres d’amiante dans du maquillage. Une alerte qui signalait un risque chimique et donc cancérigène.
"Cet évènement a conduit les Etats membres à envisager l’élaboration d’un guide pour définir les impuretés possibles afin d’évaluer la sécurité des produits cosmétiques", écrit le ministre. Mais depuis 2018, deux années ont passé et ce fameux "guide européen sur la sécurité des produits cosmétiques" n’a toujours pas vu le jour. Olivier Véran précise ensuite dans sa lettre que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) n’a pas mené d’enquête spécifique sur la présence d’amiante dans le talc et n’a pas reçu de signalement pour des produits commercialisés sur le territoire national qui en contiendraient.
UN SCANDALE QUI NE DATE PAS D'HIER
Une inaction française qui suscite l’incompréhension chez les victimes de l’amiante, puisque l’affaire est connue depuis de nombreuses années. Bastamag rappelle en effet que "en Italie déjà, en 1984, une analyse de produits cosmétiques contenant du talc disponibles sur le marché a trouvé de l’amiante dans 6 des 14 prélèvements examinés", avec des pourcentages significatifs. Par ailleurs, une enquête de Reuters publiée en décembre 2018 révèle que, malgré les dénégations de J&J sur les dangers de ses produits, des documents internes montrent que depuis 1970, l’entreprise savait pertinemment que le talc "Johnson’s Baby Powder" présentait des risques en lien avec l’amiante.
L’entreprise J&J, dans un courrier du 9 juin, déclare pourtant à des associations de défense de la santé et de l’environnement aux Philippines que "les ventes de Johnson’s baby powder ont diminué au cours de ces dernières années en raison des changements d’habitude des consommateurs et à cause d’informations erronées sur la sécurité du produit. Nous continuerons de mettre le produit à la disposition des consommateurs que nous estimons, et restons très confiants dans la sécurité de notre produit."
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