Les députés néerlandais rejettent l'accord UE-Mercosur
La majorité des députés du parlement des Pays-Bas s'est opposée, mercredi, à l'accord commercial entre l'Union européenne et les pays sud-américains. Une première dans un pays traditionnellement ouvert au commerce et qui témoigne de la montée des questions environnementales en Europe.
Par Richard Hiault, Gabriel Grésillon source : Les Echos
Publié le 3 juin 2020 à 17h33Mis à jour le 3 juin 2020 à 18h00
Moins d'un an après sa signature officielle, l'accord commercial entre l'Union européenne et les pays du Mercosur ne verra probablement pas le jour. Pas en l'état du moins. Mercredi, la Chambre des représentants du parlement néerlandais a adopté une motion du « Parti pour les animaux » demandant au gouvernement de s'opposer à ce traité. « Pour la première fois, la Chambre des représentants a pris une position claire contre un accord commercial. Et cela alors que notre gouvernement était très favorable. Le Premier ministre est maintenant sifflé par la Chambre. C'est vraiment une très grande victoire pour l'Amazonie et l'agriculture régionale durable », s'est réjouie Esther Ouwehand, chef du groupe Party for the Animals.
We did it! #Mercosur deal is off the table! Dutch @Party4Animals got majority of #parliament to #vote against ratification. A huge #win for the #Amazon , #climate , #animalwelfare and #HumanRights.
Thanks to @estherouwehand & all others who joined our #protest! #teamplanet
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Le coup porté est d'autant plus surprenant que ni les chefs d'Etat de l'Union, ni les députés du Parlement européen ne se sont prononcés sur cet accord qualifié, à l'époque, « du meilleur deal » de l'Union européenne par ses promoteurs. Pour la majorité des députés néerlandais, ce traité aurait entraîné une nouvelle déforestation en Amazonie et dans la réserve naturelle du Cerrado. L'accord créerait aussi une concurrence déloyale pour les agriculteurs européens, qui, selon leurs dires, doivent produire avec des normes plus élevées que les agriculteurs d'Amérique du Sud.
Changement de paradigme
Ce vote démontre « un changement de paradigme à l'oeuvre depuis quelques années déjà », résume une source néerlandaise. Dans un pays traditionnellement apôtre du libre-échange, le discours critique à l'égard du commerce a désormais le vent en poupe. Comme cela s'était constaté lors du débat autour du traité d'association avec l'Ukraine, puis autour de l'accord avec le Canada, la coalition des oppositions s'étoffe. Elle comprend des partis de droite souverainistes, des défenseurs du bien-être animal mais aussi des agriculteurs. Et surtout, depuis peu, le parti travailliste a changé de doctrine pour devenir, lui aussi, très critique sur les accords commerciaux. La question environnementale est au centre de leurs préoccupations.
Seuls trois partis, au centre de l'échiquier, continuent à plaider la cause des accords internationaux - lesquels bénéficient économiquement au pays. « Le fait que même une nation commerçante tournée vers l'extérieur comme les Pays-Bas se détourne de plus en plus des accords de libre-échange négociés, montre comment les mouvements anti-libre-échange ont gagné en popularité en Europe au cours des cinq dernières années […] », confirme Raoul Leering, responsable de l'analyse du commerce international chez ING.
Renégocier l'accord ?
Reste à savoir ce que le gouvernement va faire dans cette situation. Alors que le processus européen n'est pas censé être finalisé avant la fin 2020, rien n'exclut par exemple qu'il soit légèrement décalé, jusqu'aux prochaines élections néerlandaises, en mars 2021…« Exiger que la Commission européenne renégocie un accord qui a nécessité vingt ans de discussions nuirait à la réputation du gouvernement néerlandais à Bruxelles et rencontrerait une résistance considérable dans la capitale européenne », avance Raoul Leering. Sauf si entre-temps, les Pays-Bas rallient à leur cause d'autres pays. En France, Emmanuel Macron n'avait pas caché son opposition au texte quelques jours après sa signature invoquant « les mensonges » de son homologue brésilien, Jair Bolsonaro, au sujet de la déforestation. Depuis, la situation ne s'est guère améliorée en Amazonie.
Richard Hiault avec Gabriel Grésillon à Bruxelles
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