Jusqu’à présent EDF n’inspectait que la surface des cuves de combustible. Et surveillait de près les rares fissures perpendiculaires. Un livre-enquête, "Nucléaire, danger immédiat", alerte sur d’autres fissures, à l’intérieur de l’acier, en partie provoquées par l’eau contenue dans les cuves. Ce serait un vrai problème pour EDF qui souhaite prolonger la durée de vie de ses centrales.
Le Journal du dimanche publie ce dimanche des extraits d'un livre enquête à paraître mercredi sur les dangers des centrales nucléaires françaises. « Nucléaire, danger immédiat » pointe des défauts insoupçonnés et, semble-t-il, largement répandus. Problématique pour EDF qui souhaite prolonger ses centrales au-delà de 40 ans.
Un livre enquête paraît mercredi
Deux journalistes publient mercredi prochain un livre Nucléaire, danger immédiat qui tombe mal pour EDF et le gouvernement. En novembre, Nicolas Hulot, le ministre de la Transition écologique a pris ses distances avec les objectifs de la loi de transition énergétique (50 % d’électricité d’origine nucléaire au lieu de 75 %, en 2025). La semaine dernière, EDF a fait savoir qu’après la fermeture de la centrale de Fessenheim à la fin de l’année, elle ne souhaitait pas d’autre fermeture avant 2029 et militait pour prolonger à 50 ans la durée de vie de ses centrales. Au-delà de quarante ans, EDF doit faire de lourds investissements pour obtenir une autorisations de l’Autorité de sûreté nucléaire.
Des fissures perpendiculaires lors de la soudure
Dans ce contexte, le livre de Thierry Gadault et Hugues Demeude met le doigt là où ça fait mal. L’état des cuves d’acier où se trouve le combustible nucléaire sera déterminant pour autoriser ou non une poursuite d’exploitation. Or, le livre-enquête, dont Le Journal du dimanche publie aujourd’hui des extraits, met en lumière une dégradation inquiétante. Selon EDF, dix cuves sur 58 réacteurs ont des fissures datant de la fabrication. Un « défaut sous revêtement » qui survient parfois lors de la soudure du revêtement en inox protégeant la face interne de la cuve. Ces fissures perpendiculaires à la paroi sont surveillées de près car en cas d’aggravation, elles perceraient la cuve qui ne serait plus étanche aux radiations.
Tricastin, « pire centrale du pays »
Le réacteur 1 de Tricastin, dans la Drôme et le Vaucluse, a atteint la cote d’alerte. « Tricastin, avec son réacteur 1, est la pire centrale du pays », affirment les auteurs. Outre qu’il n’a plus de « marge à la rupture » et que ses prévisions de fragilisation sont mauvaises, ce réacteur comme les trois autres de Tricastin est menacé par une inondation en cas de séisme. Cette menace a justifié l’arrêt de la centrale par l’ASN en septembre dernier, le temps qu’EDF consolide la digue du canal de Donzère-Mondragon en contrebas duquel se trouve la centrale. « En cas de séisme fort, on pourrait aller vers une situation, avec quatre réacteurs simultanés en fusion, qui ressemble potentiellement à un accident de type Fukushima », a déclaré au JDD le président de l’ASN, Pierre-Franck Chevet.
EDF n’inspectait que les premiers millimètres
Thierry Gadault et Hugues Demeude font par ailleurs état d’un problème plus général aux centrales nucléaires, les fissures parallèles à la paroi. Jusqu’à récemment EDF ne contrôlait la paroi des cuves que sur les 25 premiers millimètres alors que l’épaisseur de la paroi est d’au moins 20 centimètres. Mais son homologue belge s’est avisé d’inspecter toute l’épaisseur de deux cuves où il a découvert des milliers de microfissures parallèles à la paroi. EDF a alors inspecté 28 cuves jusqu’à 80 mm pour découvrir que six cuves étaient touchées (à Bugey, Graveline, Saint-Alban, Golfech, Cruas et Penly)
Des microfissures engendrées par l’eau des cuves
L’ASN avait attribué ces fissures a des bulles d’hydrogène emprisonnées dans le métal au moment de la fabrication. Plutôt rassurant car cela suggère qu’elles ne sont pas actives. Mais deux scientifiques mettent à mal cette explication. Les Professeurs Bogaerts de l’université de Louvain et Macdonald de l’université de Berkeley ont mis en évidence en 2015 qu’une petite partie des fissures avaient été provoquées par l’hydrogène, lors de la fabrication, la majeure partie ont été causées par l’hydrogène présent dans l’eau de la cuve. Autrement dit : plus on utilise une cuve longtemps, plus le risque de fissures augmente.
« Vous n’êtes pas en mesure d’assurer la stabilité des microfissures présentes dans les parois des cuves des réacteurs », a déclaré le Pr Walter Bogaerts, en septembre dernier, à l’Autorité de sûreté nucléaire belge. Celle-ci a fait état d’études contraires, mais ne les a pas publiées.
« Vous n’êtes pas en mesure d’assurer la stabilité des microfissures présentes dans les parois des cuves des réacteurs », a déclaré le Pr Walter Bogaerts, en septembre dernier, à l’Autorité de sûreté nucléaire belge. Celle-ci a fait état d’études contraires, mais ne les a pas publiées.
(1) Nuclaire, danger immédiat, par Thierry Gadault et Hugues Demeude, 286 pages, Flammarion, 21€.
(Matériel arrivé en fin de vie. Par contre pour l'hydrogène qui provoque des fissures dans les cuves, en pensant à celle de l'EPR de Flamanville qui a un défaut de fabrication, ça craint. Note de rené)
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