Le Hezbollah et l’Iran croient que les protagonistes du Moyen-Orient et d’ailleurs dans le monde, qui sont impliqués dans la guerre en Syrie depuis 2011 et qui ont perdu leur guerre au profit de la Russie, de l’Iran et de leurs alliés, ne sont pas prêts à accepter la défaite. Ils chercheront plutôt à parvenir à un rapprochement officiel avec Israël, ce qui ne manquera pas d’entraîner une vive réaction du Hezbollah contre ses ennemis politiques au Liban. Le Hezbollah, de pair avec ses alliés locaux, n’hésitera pas à reprendre le contrôle du pays, ou du moins à renvoyer ceux qui prônent une réconciliation Arabo-israélienne.
Les USA préparent un bouquet de sanctions contre le Hezbollah libanais qui frapperont les institutions civiles qui lui sont affiliées, y compris les municipalités, les réseaux de services sociaux, les entreprises de construction et de rénovation, les stations de radio et de télé, bref, toute personne proche du Hezbollah ou sympathisante. Cette étape intervient après la visite au Liban de Thamer Al-Sabhan, ministre d’État saoudien pour les affaires du golfe Persique, où il a rencontré ses mandataires libano-saoudiens faisant partie de « l’alliance du 14 mars ». Il a également demandé au groupe et au peuple libanais « de prendre position pour ou contre le Hezb-al-Shaytan » [Hezbollah, le « parti de Satan »].
Il est clair que l’Arabie Saoudite, Israël et les USA ne reconnaîtront pas que le changement de régime qu’ils souhaitaient en Syrie a échoué. Ils n’accepteront pas la victoire militaire du Hezbollah, de l’Iran et du président syrien Bachar al-Assad, obtenue après plus de six années de guerre en Syrie. L’administration en place aux USA a adopté une attitude hostile à l’égard de l’Iran et du Hezbollah. De concert avec Israël et l’Arabie Saoudite, elle voudrait voir l’Iran et ses alliés complètement mis en échec au Moyen-Orient. L’envoyé de l’Arabie Saoudite a averti ses alliés libanais que le Royaume compte couper les vivres à tout parti qui ne s’en prendra pas ouvertement au Hezbollah pendant les prochaines élections parlementaires.
La préparation en vue d’un processus de paix entre les pays du Golfe et Israël suit son cours et se rapproche un peu plus chaque jour d’une relation ouverte. Adel Jubeir, le ministre des Affaires étrangères saoudien, a dit clairement à l’ONU que son pays ne trouve aucune raison de considérer Israël comme un ennemi. Le général à la retraite saoudien Anwar Eshki, qui s’est rendu en Israël, a qualifié l’Iran et le Hezbollah d’ennemis communs d’Israël et de l’Arabie Saoudite, et a dit que son pays était prêt à ouvrir une ambassade en Israël si Tel-Aviv reconnaît l’initiative de paix arabe.
Bien des pays du Moyen-Orient ont en fait donné leur bénédiction à la guerre israélienne de 2006 et aimeraient bien que le Hezbollah et l’Iran soient défaits, en plus de considérer que la cause palestinienne a perdu de sa pertinence. Lors de la dernière guerre israélienne au Liban, le premier ministre pro-saoudien et anti-Hezbollah de l’époque, Fouad Sinioura, a tenté d’imposer au Hezbollah l’abandon total de ses armes pendant les 31 jours de guerre, une demande qui ne provenait même pas d’Israël. En fait, Israël voulait que le Hezbollah recule de quelques kilomètres de plus de la frontière, ce qui lui a été refusé.
Cette attitude hostile de la part des Saoudiens et des Américains à l’encontre du miraculeux équilibre politique libanais ne peut changer la dynamique locale à l’avantage des ennemis et des opposants du Hezbollah à l’intérieur du pays. Des milliards de dollars ont été investis lors des dernières élections parlementaires pour n’obtenir que quelques sièges marginaux de plus. Le véritable problème ne réside pas dans les élections. Sa portée est beaucoup plus vaste : Que va faire l’alliance libanaise pro-saoudienne lorsque, le cas échéant, l’Arabie Saoudite décidera d’établir des relations ouvertes avec Israël ?
Certains groupes au sein de l’Alliance du 14 mars ont des liens avec Israël, d’autres suivent aveuglément la politique et les désirs des Saoudiens pour le Liban. Ces derniers vont inévitablement se conformer à la politique de l’Arabie Saoudite, en ouvrant le bazar libanais afin de promouvoir la paix avec Israël, ce qui nous amène à la question suivante : Quelle sera, en pareil cas, la réaction du Hezbollah à l’encontre de ses partenaires politiques libanais actuels ?
Premièrement, le partenariat actuel du gouvernement avec le Parlement va cesser, parce que le Hezbollah ne tolérera aucun groupe cherchant à établir, à promouvoir ou à afficher de bonnes relations avec Israël. La résistance libanaise ne peut aller à l’encontre de ses objectifs, de son idéologie et de ses convictions. Il est vrai que l’objectif du Hezbollah déclaré en 1985, qui était d’établir un État islamique, a changé depuis, parce qu’en le poursuivant il aurait servi ses ennemis en mettant son existence en péril, ce qui était en fait dû à l’acceptation d’une société multiethnique. Le Hezbollah n’acceptera jamais de côtoyer des groupes locaux appelant à établir des liens avec Israël, un pays dont l’objectif est d’éliminer le Hezbollah.
Des divisions entre les différents groupes ethniques sont également à prévoir. Les chrétiens libanais, les Druzes et les sunnites seront fractionnés entre ceux qui soutiendront un accord de paix avec Israël, et ceux qui seront dans le camp opposé, qui rassemble quand même pas mal de monde au pays (les nationalistes et les islamistes qui considèrent Israël comme un ennemi et rejettent tout contact avec Israël). Cette scission fournira suffisamment de raisons en faveur d’une intervention militaire et d’une protection du Hezbollah à l’intérieur du pays.
Le spectre d’un accord de paix avec Israël a beaucoup plus d’importance pour le Hezbollah que le système de communication militaire pour lequel le groupe a occupé la capitale Beyrouth le 7 mai 2008, en quelques heures à peine. À l’époque, le Hezbollah ne disposait pas de son arsenal actuel et de l’expérience militaire colossale acquise dans la conduite de la guerre et les combats urbains en Syrie. Durant cette longue guerre, le Hezbollah est parvenu à contrôler des villes et des territoires cinq fois plus étendus que le Liban au complet.
Le Hezbollah ne sera pas seul et comptera sur l’appui de groupes libanais multiethniques qui transformeront la bataille en objectif national plutôt que sectaire. Toutes les possibilités seront bien entendu sur la table, et leurs conséquences ne seront pas nécessairement évidentes, surtout s’il y a une intervention étrangère.
Les USA, Israël et l’Arabie Saoudite ont perdu la bataille militaire en Syrie aux mains de « l’axe de la résistance » (Iran, Syrie, Hezbollah), ainsi que de la Russie. Cependant, le résultat définitif n’est pas nécessairement une victoire complète. La Syrie est pratiquement détruite et divisée par deux forces d’occupation sur son territoire : les forces des USA au nord-est, et celles de la Turquie au nord. Le régime syrien n’est pas tombé, mais personne n’a encore dit son dernier mot :
 Dossier électoral : la communauté internationale insiste pour que les élections présidentielles se tiennent avant le retour des réfugiés syriens, de façon à ce qu’ils votent dans leur pays de résidence, dans l’espoir de faire tomber Assad.
 Question kurde en Irak et en Syrie : bien des pays vont tenter leur chance, en poussant les choses comme un cheval de Troie, dans le but de redéfinir les frontières nationales et la carte du Moyen-Orient.
Le leader du Hezbollah, Sayed Hasan Nasrallah, nous a révélé involontairement ce à quoi il s’attend et ce qu’il prépare : « Il y a ceux qui préparent une nouvelle confrontation politique et un nouvel alignement au Liban, (…) poussant le Liban à un nouvel affrontement interne. Il semble que les USA se préparent en vue de nouvelles guerres au Moyen-Orient. Où est l’intérêt du Liban dans tout cela, je me demande ? Vous (les Libanais) savez tous que nous avons des forces militaires à revendre et vous vous demandez comment nous allons les employer ? Nous n’avons pas peur, nous ne sommes pas inquiets ni préoccupés (par une guerre interne possible). Je ne permettrai à personne de pousser le Liban vers une conspiration ou une confrontation dont le résultat est connu à l’avance (le Hezbollah va triompher !). »
Nasrallah a également mis en garde contre l’arrivée d’une nouvelle ère marquée par la division du Moyen-Orient, en utilisant le Kurdistan irakien comme un endroit où des guerres internes pourraient se manifester.
Le Hezbollah a défendu son existence pendant de nombreuses années dans la guerre en Syrie qu’il a menée contre les takfiris : « Être ou ne pas être ». Le Hezbollah n’abandonnera pas sa force militaire et n’a aucunement l’intention de se soumettre. Il luttera contre tout accord conclu avec Israël, peu importe le prix à payer. Ce que les pays de la région et d’ailleurs dans le monde ne se rendent pas compte, c’est qu’ils ne peuvent faire tomber le Hezbollah comme ils le souhaiteraient. Mais ils peuvent sans aucun doute dépasser le point de non-retour au Liban, qui promet un avenir empreint d’une extrême violence
Elijah J. Magnier
Publié ici : http://alrai.li/mb8nn4f Par Elijah J. Magnier – @ejmalrai
Traduction : Daniel G.
English version :https://elijahjm.wordpress.com/2017/10/04/lebanon-may-be-heading-towards-a-new-7th-may-due-to-the-arab-israeli-reconciliation-and-the-partition-of-the-middle-east/
This entry was posted in Middle East Politics on 04/10/2017.
Traduit en français sous le titre : Le Liban pourrait se diriger vers un nouveau « 7 mai » à la suite de la réconciliation arabo-israélienne et de la partition du Moyen-Orient

(Ah, bon, en plus de l'Irak, de la Syrie, de l'Afghanistan, de l'Ukraine, du Yemen où le pentagone a sa patte, de la Birmanie avec les rohingyas à venir, il va y avoir l'Iran et le Liban et sans compter la Corée du Nord. Euh, ils ne sont pas trop gourmands, les américains ? Remarquez, les marchands d'armes sont très contents, surtout que trump vient encore d'augmenter le budget de la défense. note de rené)