Issu de Occupy Wall Street qui a débuté en 2011 aux États-Unis, et inspiré par les grèves étudiantes de 2012 au Québec, Strike Debt se donne pour objectif d’organiser les personnes qui subissent l’endettement privé et public, en fournissant tactiques, ressources juridiques et cadres de lutte, dans le respect de ses principes fondateurs : horizontalité, absence de hiérarchie, autonomie politique, démocratie directe, action directe, solidarité et lutte contre toutes les formes d’oppression.
Présent dans plusieurs villes et États de l’Union |
1|, le collectif a repris le cadre offert par
Rolling Jubilee pour faire annuler plus d’un million de dollar US de dettes médicales au profit d’un millier de personnes dans le Kentucky et l’Indiana en rachetant ces dettes sur le marché secondaire. S’appuyant sur des actions de terrain, le mouvement développe une analyse politique de l’endettement aux États-Unis, qui concerne 3 ménages sur 4 et représente 116 % du
PIB |
2|.
Combattant frontalement les discours moralistes et culpabilisants assénés par les créanciers, les responsables politiques et les médias à l’attention des individus les plus pauvres, des minorités ethniques et de genre, Strike Debt se donne pour objectif l’abolition d’un système qui, après la confiscation des biens communs et le pillage des revenus du travail, tente désormais de nous réduire en quasi-esclavage, au profit des 1 % les plus riches.
D’une fiscalité injuste à l’illégitimité de la dette : les dépenses de l’État en question
Bien que payer ses impôts soit a priori une chose utile et nécessaire au bon fonctionnement de la société, on peut s’interroger sur leur légitimité dès lors que la priorité des dépenses publiques est mise sur l’appareil de défense militaire (47 % du budget de l’État fédéral) et d’autres grands projets inutiles plutôt que sur les dépenses d’utilité sociale.
Les carences en matière de fiscalité et leur incapacité à remplir les objectifs de rééquilibrage des inégalités de richesse et d’accès aux droits dans une société ne relèvent pas simplement de la mauvaise application des règles, mais proviennent parfois du système fiscal lui-même et de la manière dont il est élaboré. Ainsi, aux États-Unis comme dans d’autres pays, on constate que les riches sont beaucoup moins taxés que les classes moyennes et les classes les plus pauvres : tandis qu’un/e secrétaire paye 33 % d’impôts sur son salaire, son patron, lui, n’en paye que 17,4 %, quand bien même puisse-t-il gagner jusqu’à 50 milliards de dollars US par an. Les nombreuses pratiques de contournement de l’impôt qui sont le plus souvent mises en œuvre par les classes les plus aisées ainsi que par les grandes entreprises, renforcent ces inégalités déjà mal corrigées par le système. On compte parmi elles l’évasion fiscale, ainsi qu’une multitude d’autres pratiques, telles que l’inscription des travailleurs en tant qu’indépendants, pour éviter le versement des cotisations sociales. Depuis une trentaine d’années, s’ajoute à cet ensemble de pertes, l’implémentation progressive de mesures de politiques néolibérales dites de « corporate walfare », qui visent expressément à utiliser les impôts pour soutenir l’entreprise privée : il s’agit des sauvetages bancaires en 2008, des exemptions d’impôts pour les grandes compagnies énergétiques qui sondent sur des terrains publics, des subsides pour les entreprises d’agrobusiness...
Historiquement, les luttes contre des systèmes fiscaux injustes ont coïncidé avec des moments de révoltes politiques. Ainsi les impôts étaient-ils souvent associés à la domination d’une puissance étrangère sur un peuple, comme en témoigne la révolte des juifs contre l’Empire romain au premier siècle de notre ère. Bien souvent aussi, les impôts étaient-ils sources d’endettement pour les populations, entraînant des révoltes populaires telles que celle des paysan-ne-s envahissant Londres contre la taxation du vote au quatorzième siècle, ou encore celle des révolutionnaires français exigeant une baisse généralisée des taxes pour soulager le peuple. Aujourd’hui, les revendications pour la baisse des impôts sont essentiellement reprises par les partis et organisations à droite de l’échiquier politique, celles-ci se donnant bien malheureusement pour objectif de détruire le fruit des luttes sociales portées au cours des années 1960 et 1970. La baisse des impôts, qui entraîne une perte de recettes pour l’État social, se fait essentiellement au bénéfice d’un système d’assurance privé dont le développement a pour conséquence une augmentation tant de la dette privée de ménages que de la dette de l’État.
Dettes des municipalités et des États : pillage et domination par les banques de Wall Street
La financiarisation de nos vies et sa logique d’endettement ne s’appliquent pas qu’à nous en tant qu’individus, elles s’appliquent également aux villes, aux États et aux pays dans lesquels nous vivons. De maintes façons, les banques font du profit sur les dépenses des États au détriment même des services publics, et nous payons finalement ces dettes qui vont à l’encontre de nos intérêts.
Contrairement aux banques qui empruntent au gouvernement fédéral à des
taux d’intérêtproche de 0 %, les villes et les États, soumis à la réduction des financements publics et à la diminution de leurs recettes, ont été forcées de faire alliance avec les
banques d’investissement de
Wall Street pour l’accès au crédit. Pour se financer, les municipalités émettent des
obligations et promettent des retours sur investissements à leurs créanciers.
Wall Street en profite pour facturer ses émissions, empocher les intérêts, titriser les obligations, ou encore les agglomérer sous forme de dettes globales qui seront ensuite vendues, et revendues sur le marché global. Ce modèle de financement privé a débuté avec la ville de New York, qui dans le contexte de la
récession mondiale des années 70, a connu une grave crise budgétaire, le gouvernement fédéral refusant de lui apporter son aide face à l’explosion de ses dépenses sociales. En proie à une coalition des élites économiques contrôlant l’accès au crédit, la ville a subi des réformes d’austérité brutales qui inspireront par après le reste du pays, mais également le
FMI pour « l’ajustement structurel » du Sud global endetté.
Le financement par émission d’obligations, et donc par la dette, de nos infrastructures municipales et institutions publiques permet aux banquiers et aux investisseurs de faire d’énormes profits, notamment depuis la révision du code fédéral de la faillite qui renforce les créanciers. Ainsi, le Conté de Jefferson en Alabama a-t-il procédé à des coupes massives dans les services publics pour rembourser intégralement les 4 milliards de dollars US qu’il avait empruntés pour la réalisation d’un projet de traitement des eaux usées, resté inachevé suite à une affaire de corruption. Entre 1970 et 2009, seules 54 municipalités sur 18 400 ont osé se déclarer en défaut de paiement. C’est également via les
swaps de taux d’intérêts que les banques continuent de piller les municipalités. Depuis les années 90, les banques en ont vendu pour une valeur de 500 milliards de dollars US aux municipalités : les
swaps qui consistent à établir un taux d’intérêt moyen prévisible pour le paiement des obligations, en échange du reversement d’une contrepartie en fonction des fluctuations du marché, ont continué à massivement profiter aux grandes banques après la crise de 2008 malgré des taux d’intérêt restés très bas. Enfin, ces mêmes grandes banques qui ont été renflouées avec l’argent du contribuable à hauteur de 15 000 milliards de dollars US |
3|, ont également truqué leurs données d’échanges interbancaires pour manipuler artificiellement le
Libor et ainsi soutirer près de 6 millions de dollars US d’intérêts frauduleux aux municipalités |
4|.
Ce mode de financement implique également la confiscation du pouvoir des citoyens : par la création d’ « autorité d’émission d’obligations » indépendantes, les responsables locaux évitent de se plier au contrôle démocratique pour financer de grands projets. C’est ainsi que le maire de Minneapolis a financé la construction d’un nouveau stade sans respecter l’obligation de convoquer un référendum local |
5|, ou encore que le pays tout entier a financé l’expansion rapide du nombre de prison |
6|, dont la population a explosé depuis qu’a été déclarée une guerre « raciste » contre la drogue |
7|. Sans impacter directement les finances publiques, ces émissions d’obligations « indépendantes » permettent néanmoins aux créanciers d’exercer leur contrôle sur les collectivités via la menace d’une détérioration de leur note de crédit |
8|, et contraignent ainsi de plus en plus d’États à dépenser plus d’argent dans la construction de prisons que dans l’enseignement supérieur |
9|.
Contre la mainmise de
Wall Street sur les budgets publics, les résistances s’organisent : par des actions de blocage et de gratuité des transports dans les métro de New York ou Boston contre le remboursement des
swaps |
10|, par les grèves à Scranton pour rétablir les salaires des fonctionnaires, ou par la poursuite en justice des grandes banques comme à Baltimore. Dix-sept États ont déposé des projets de loi pour s’inspirer du système de banque publique du Dakota du Nord, unique aux États-Unis : créé en 1919 pour donner davantage de pouvoir aux fermiers contre les grandes banques, il fournit un crédit stable à taux bas et permet d’intégrer des recettes additionnelles aux budgets qui sont réinvesties dans les infrastructures et l’économie locale. De telles réformes constitueraient des avancées significatives, mais pour regagner le contrôle sur nos villes et nos vie, nous devons également nous inspirer du « budget participatif » de Porto Alegre, répliqué dans 300 villes à travers le monde mais seulement 2 districts à New York et Chicago, et des audits citoyens qui en Espagne et en Tunisie ont rendu le pouvoir au peuple pour décider de la légitimité de la dette, reprenant le cri de ralliement du mouvement anti-austérité en Europe « Nous ne paierons pas pour votre crise ! ».
Endettement national et crise financière : des politiques d’austérité et de contrôle
La dette du gouvernement produit des effets indirects sur la dette des ménages, et en cela nous impacte en tant qu’individu. Elle est souvent instrumentalisée pour justifier des coupes dans les dépenses publiques, le logement, la santé, les transports, l’alimentation, l’éducation, et permet ainsi de déplacer ce fardeau sur les épaules des individus et des familles, qui s’endettent à leur tour. La relation entre dette privée et dette du gouvernement n’est pas seulement fiscale, elle est aussi psychologique : de la même manière que les individus endettés peuvent éprouver un sentiment de honte, les citoyens d’un État endetté font bien souvent l’objet d’une honte collective. Ainsi les citoyens grecs ont-ils été dépeints comme des personnes fainéantes, dépensières et incontrôlables. Les mêmes accusations avaient été portées à l’encontre des peuples du Sud global dont les gouvernements ont été pris dans l’impasse de la dette à partir des années 90, et les mêmes accusations sont portées aujourd’hui à l’égard de pans entiers de la population des États-Unis, dans la « lutte » contre les déficits publics.
Au cours de la crise de 2008, entre décembre 2007 et janvier 2009, ce sont 3,6 millions d’emplois qui ont disparu aux États-Unis. Cela a entraîné d’importantes pertes de recettes, tout en augmentant les dépenses dans les programmes sociaux, auxquelles se sont ajoutés plusieurs milliers de milliards de dollars US dépensés pour le renflouement des banques et des entreprises. La dette nationale, qui enregistrait déjà des records après trente années de baisse d’impôts sur les hauts revenus et les entreprises, et de dépenses militaires pour la guerre du pétrole au Moyen-Orient, a encore augmenté. Utilisant la dette comme prétexte, les politiciens conservateurs ont durci encore davantage les coupes et les privatisations, coulant ainsi les États, les contés, les villes et autres localités.
Ces traitements de chocs ont une histoire. Après la seconde guerre mondiale et le sommet de
Bretton Woods qui crée le couple FMI et
BM, le dollar US est devenu la nouvelle devise mondiale de réserve. Lorsque les
pétrodollars ont submergé les banques d’investissements new-yorkaises dans les années 70 et 80, celles-ci en ont profité pour prêter à des taux élevés aux gouvernements du Sud global. Lorsque le défaut de paiement à commencer à pointer pour ces pays, le FMI et la BM ont accordé leur « aide » conditionnée à l’application de plans d’austérité draconiens, qui ont engagé ces pays dans une spirale d’appauvrissement, d’exploitation et de perpétuation de leur dette, qui jusqu’à aujourd’hui continue d’exacerber une domination établie de longue date depuis l’époque coloniale. La crise financière de 2008 est quant à elle le produit d’une longue histoire de dérégulation de l’industrie financière. En effet, les régulations importantes qui avaient été mises en place suite à la Grande Dépression ont été successivement abrogées d’abord par le gouvernement Reagan, puis par le gouvernement Clinton, qui sous l’influence de personnalités telles que Robert Rubin |
11|, alors secrétaire du Trésor, et Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale, a signé l’abrogation du
Glass-Steagall Act, consacrant ainsi le principe de l’autorégulation des banques par elles-mêmes. Aussi, pour bien comprendre la relation entre la dette nationale et la crise économique actuelle, nous devons insister sur un fait : la Réserve fédérale des États-Unis, à la fois chargée de réguler l’industrie bancaire et dotée du pouvoir de créer la monnaie papier, c’est-à-dire créer de la dette puisqu’elle le fait en vendant des
bons du trésor aux banques et aux investisseurs privés, n’est pas une institution entièrement publique et soumise à un véritable contrôle démocratique. Elle compte au sein de son conseil d’administration de nombreux banquiers privés qui profitent de ses opérations, les mêmes qui depuis longtemps pratiquent un va-et-vient entre les secteurs public et privé, et qui ont une attitude permissive face à la
spéculation, irresponsable et frauduleuse.
Trente années de politiques néolibérales ont permis de concentrer la richesse entre les mains des plus riches, qui ont accumulé pas moins de 21 000 milliards de dollars US sur des comptes
offshore, soit l’équivalent du PIB des États-Unis et du Japon réunis |
12|. Tandis que les profits atteignent des sommets, l’austérité s’impose à nous et aux nations. C’est le système économique actuel qui nous mène nécessairement vers la crise et l’austérité : avant 1929, et tout au long du XIX
e siècle les crashs se sont succédés comme autant de cycles répétés au cours de l’histoire pour rendre visible la nature profonde du capitalisme, un système social inégalitaire de discipline et de contrôle qui distribue les récompenses et les punitions. Nous ne savons pas à quoi ressemblera un monde post -capitaliste, mais nous devons travailler pour une société plus équitable et plus respectueuse de l’environnement. La solution pour y parvenir devra être internationale. C’est pourquoi
Strike Debt s’inscrit dans le large mouvement de résistance à la dette qui militant pour un jubilé global comme l’on fait et le font encore l’Islande |
13|, l’Argentine, le Pakistan |
14|, le Salvador |
15|, la Jamaïque |
16| et tant d’autres... Au même titre que nous revendiquons l’abolition des dettes privées illégitimes, nous nous joignons à la lutte entreprise de longue date contre les dettes nationales et le capitalisme financier. Dans ce combat qui est celui des innombrables manifestations contre le FMI, la BM, et l’
OMC, des grèves générales et des insurrections urbaines, des Zapatistes du Chiapas contre l’accord de libre-échange nord-américain, et des luttes pour l’abolition de la dette du Sud global, nous trouvons déjà de nombreux alliés et devons nous inspirer des nombreuses victoires telles que celles des nations sud-américaines qui ont pu échapper au contrôle du FMI et de la BM.
La dette climatique : qui est le créancier de qui ?
Depuis des décennies les banques du Nord, le FMI et la Banque mondiale exigent des citoyen-ne-s des pays pauvres qu’ils payent et qu’ils soient responsables des prêts qui ont été contractés en leur nom, le plus souvent par des régimes non démocratiques et dans des conditions outrancières. Cela a mené à l’application de réformes anti-démocratiques et causé énormément de souffrances. Ainsi, les décennies de domination, d’exploitation et de destructions causées par des puissances telles que la Grande-Bretagne ou l’Espagne aux nations débitrices doivent nous amener à nous poser les questions suivantes : qui est réellement le créancier de qui ? Les mouvements pour la justice globale ont ainsi reformulé la question de façon à trouver la réponse : comment comparer les dettes monétaires du Sud à l’impact de l’industrialisation du Nord ? C’est de cette réflexion qu’a émergé le concept de dette climatique, et plus globalement celui de
dette écologique.
La notion de « dette écologique » apparaît pour la première fois en 1992 grâce aux études de l’Instituto de Ecologìa Politica et à la suite du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro, le premier sommet intergouvernemental sur le climat. Ce terme remet en question le paiement de la dette par les pays du Sud en analysant les enjeux écologiques qui sont liés au développement des pays du Nord. En effet, le développement industriel du Nord n’aurait pu advenir sans l’exploitation du travail humain et des ressources naturelles des pays du Sud pendant plusieurs décennies. Une exploitation qui est à l’origine de la perte de biodiversité, de la pollution et de la destruction de communautés entières. En outre, les pays du Sud colonisés ont été industrialisés bien plus lentement que leurs voisins du Nord de telle façon que les premiers sont restés les fournisseurs de matières premières de ces derniers. L’immense écart de richesse entre colonisés et colonisateurs demeure encore bien visible aujourd’hui. C’est en pointant cette disparité de richesse entre un Nord « développé » et un Sud « sous-développé », que les gouvernements du Nord ont tenter d’étendre leur contrôle économique et politique sur le Sud, imposant des programmes de développement économiques paternalistes et non durables créés par les institutions financières internationales dont le FMI fait partie. Prendre en compte cette histoire du développement permet d’inverser le rapport entre créanciers et débiteurs : le concept de dette écologique permet de mettre en opposition la dette économique (et les taux d’intérêt élevés qui lui sont liés) réclamée par le Nord à l’encontre des pays du Sud, avec la dette colossale que les pays du Nord ont à l’égard du Sud. Combien de dollars l’Espagne devrait-elle payer disons au Pérou pour les tonnes d’argent extrait au travers des travaux forcés ?
A cette dette historique des pays du Nord envers le Sud, s’ajoute la destruction globale de l’environnement induite par l’industrialisation des modes de productions, qui a donné lieu à une profonde transformation de l’organisation et du fonctionnement des villes, de l’agriculture, des transports, du travail, et qui s’est intensifiée avec la dépendance accrue des nations industrialisées aux énergies fossiles. C’est en effet le Nord qui est à l’origine du processus de changement climatique qui affecte aujourd’hui les pays du Sud et freine leur développement. Le changement climatique en cours, dont nous connaissons les causes, parmi lesquelles l’augmentation des taux de CO2 dans l’atmosphère, et dont nous subissons déjà les conséquences, telles que la fonte de l’Arctique, a continué à s’intensifier malgré les nombreuses alertes qui ont été lancées ces trente dernières années. La hausse des températures de 6 à 8 degrés Celsius d’ici 2100 a été confirmée par la NASA, et la Banque mondiale a elle-même récemment admis dans un rapport que même si l’ensemble des États du globe signaient et respectaient aujourd’hui leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle planétaire, notre siècle resterait très probablement marqué par une hausse de 3 à 4,5 degrés Celsius. Face aux profonds changements qui sont en cours, affectant les humains, la planète, et la biodiversité terrestre, le système capitaliste et son objectif de croissance infinie semblent être arrivés à bout de souffle.
Le Nord et le Sud ne sont pas égaux devant le changement climatique : les conséquences physiques étant inversées par rapport à la source des perturbations. De la même façon, ce sont les plus riches qui polluent le plus, mais ce sont les communautés noires et les plus pauvres qui, aux États-Unis, sont les plus touchées par les ouragans. Bien qu’il soit difficile de quantifier la dette écologique, il nous est possible d’évaluer en termes économiques l’impact environnemental des émissions, sur la base de la richesse créée par les entreprises et les États, et nous pouvons dire par exemple qu’un Britannique émet la même quantité de dioxyde de carbone en un jour qu’un Kényan en un an. Ainsi la réparation des impacts du changement climatique, qui entame déjà de manière significative le PIB des peuples en lutte pour se maintenir dans un système économique bel et bien tourné à leur désavantage, n’a jamais donné lieu à un quelconque reversement de la part des pays riches aux pays pauvres. Il devient urgent que cela change. Pour remettre en cause la moralité du système dette et élaborer des alternatives en matière de réduction des émissions, de gestion des politiques migratoires et de compensation aux populations du Sud, nous devons nous inspirer des recommandations formulées par la
United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC) de 1992 et la
World People’s Conference on Climate Change qui a publié le rapport
People’s Agreement en 2010. Tout comme le caractère insoutenable de ce modèle économique au Nord et au Sud nous est apparu de plus en plus évident dès lors que ce sont confrontées les visions diamétralement opposées des développementalistes et des ONG face aux peuples indigènes et leurs représentations traditionnelles |
17|, nous devons continuer à nous inspirer des concepts philosophiques et politiques tels que le
Buen Vivir développés par les peuples des Andes en Amérique latine, pour élaborer des alternatives à celui-ci.
Notes
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1| Si vous faites un tour aux États-Unis, profitez-en pour chercher
Strike Debt à Philadelphie, Denver, Boston, Bay Area, Chicago, Raleigh... et encore d’autres localités.
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2| Nous parlons plus ici de la dette des ménages mais de la dette publique qui représente 17 000 milliards de dollars US en juin 2013, soit 116% du PIB.
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3| Pour arrêter de reverser d’importantes sommes à Citigroup, JP Morgan Chase, Morgan Stanley, ou la Banque of America, les municipalités ont déjà versé 4 milliards de dollars US pour des « paiements de résiliation », seule alternative proposée par ces grandes banques pour rompre les swaps.
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4| Le Libor (London Interbank Offered Rate) est un taux calculé journellement par les banques sur la base des échanges de prêts entre elles et utilisé pour régler les taux de plus de 800 000 milliards de dollars US d’investissements dans le monde. En rapportant de fausses données, les banques ont capitaliser frauduleusement sur ses fluctuations.
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5| La loi de référendum à Minneapolis qui concerne toutes dépenses importantes pour la construction d’infrastructures sportives date de 1997. Autres stades : le Conté d’Hamilton dans l’Ohio a réduit ses budgets d’éducation, de services sociaux, et mis en vente un hôpital pour régler 875 millions de dollars US dettes suite à la construction de deux stades à Cincinnati, financées par obligations.
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6| Mal acceptées par les citoyens, dont 1 sur 100 est incarcéré aux États-Unis, les dépenses publiques pour la construction de prisons sont depuis longtemps financées par ces structures indépendantes des comptes publics.
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7| La guerre « raciste » contre la drogue qui a débuté dans les années 80 coïncide avec une augmentation globale de la population carcérale de 500% sur la même période, et une augmentation des incarcérations pour infractions liées à la drogue de 1311% chez les Noirs, et 1600% chez les Latinos.
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8| Sous la menace d’une détérioration de la note de crédit de leur collectivité, les législateurs de Tallulah en Louisiane ont été dissuadés de fermer la prison locale, notoirement connue pour ses traitements abusifs, qui devait être remplacée par un centre d’apprentissage. Au lieu de ça, ils ont continué de payer 3,2 millions de dollars US par an pour elle et ses mauvais traitements infligés aux détenus.
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9| En Californie, les dépenses ont été réduites de 2 tiers pour l’enseignement supérieur et ont été multipliées par 3 pour la construction de prisons.
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10| Pour rembourser 600 millions de dollars US de dettes liées aux swaps, l’Autorité Métropolitaine de Transport (Metropolitan transportation authority – MTA) de New York a procédé à des licenciements massifs et des coupes dans les services impactant directement les usagers réguliers, les travailleurs, les personnes handicapées, etc. Le People’s Transportation Program, inspiré par les « Survival Program » des Black Panthers ont redistribué des titres de transport en masse via des achats groupés, pour limiter les achats individuels et le reversement des profits aux banques. D’autres activistes de Boston ont bloqué les tourniquets pour laisser ouvert l’accès aux usagers.
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11| Robert Rubin, après avoir conseillé le Président, a démissionné pour intégrer Citigroup, qui le rémunère plus de 10 millions de dollars US par an.
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12| Les chiffres proviennent d’une étude mené par James Henry, expert des paradis fiscaux et comptes offshores, ancien chef économiste de McKinsey
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13| Des milliers de protestataires en Islande ont mis pression sur le gouvernement pour refuser de payer une dette nationale frauduleusement imposée par les prêteurs étrangers. Après 5 années, l’Islande a dépassé l’austérité pour recouvrer la stabilité économique.
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14| La campagne pour l’annulation de la dette du Pakistan (PDCC) et d’autres groupes ont mis en œuvre un grand nombre d'actions incluant une grève de la faim de trois jours devant le Bureau de la BM à Islamabad en 2010, qui a donné lieu à l’adoption d’une résolution par le Sénat pour discuter de l’allègement de la dette. La PDCC a notamment proposer d’augmenter la taxation des riches et de réduire les dépenses militaires pour pallier l’accroissement de la dette souveraine.
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15| Au Salvador, les citoyens ont appelé à l’audit de la dette nationale, en plein combat contre la loi instaurant les partenariats public-privé, véritable mise aux enchères des services publics d’éducation et de santé livrés aux multinationales étrangères.
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16| La campagne pour la justice social et économique en Jamaïque a notamment proclamé « Une majeure partie de la dette est plus odieuse et illégitime qu’aucun audit ne pourrait le révéler. Nous avons besoin d’un moratoire sur le service de la dette étrangère : c’est le seul moyen pour avancer ».
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