Le Parlement veut couper le robinet des aides à la Turquie
Par : Sarantis Michalopoulos | EURACTIV.com | translated by Manon Flausch
24 oct. 2017 (mis à jour: 24 oct. 2017)
Pour Siegfried Mureşan, il est inacceptable que l'UE continue à verser des fonds au gouvernement turc. [European People's Party/Flickr]
Le Parlement européen veut réduire de 80 millions d’euros les fonds de préadhésion versés à la Turquie par l’UE, selon l’eurodéputé Siegfried Mureşan.
Lors d’un entretien avec Euractiv, l’eurodéputé roumain Siegfried Mureşan, porte-parole du PPE, a parlé des réductions prévues pour le fonds de préadhésion alloué à la Turquie. Il a également indiqué que la Facilité de l’UE en faveur des réfugiés de Turquie pourrait être financièrement soutenue grâce à d’autres coupes dans les financements de préadhésion alloués au gouvernement turc.
Les eurodéputés discuteront de la proposition de budget 2018 les 24 et 25 octobre. Ce budget devrait faire la part belle à la croissance, à l’emploi et à la sécurité, a expliqué Siegfried Mureşan, qui précise toutefois qu’au niveau politique, la décision concernant la Turquie devrait être la plus importante.
Faute de consensus sur l’arrêt des négociations d’adhésion avec la Turquie, les chefs d’État et de gouvernement s’orientent vers une suspension de l’aide financière à Ankara.
Un message clair
Le 19 octobre, les États membres se sont accordés sur une réduction de l’aide financière de préadhésion à la Turquie. Une décision justifiée par la chancelière allemande, par le fait qu’Ankara « s’éloigne pas à pas de ce que nous considérons comme des préconditions de l’adhésion ». Le président du Conseil, Donald Tusk, a quant à lui précisé que davantage des fonds de préadhésion seraient à l’avenir alloués à la société civile turque.
Le Conseil a proposé une coupe de 20 millions d’euros dans les fonds alloués à la Turquie. Un montant jugé trop limité par le Parlement. Pour envoyer un message fort, les eurodéputés proposent donc une réduction qui pourrait atteindre 80 millions.
Dirigeants et élus européens perdent en effet patience face au président turc, Recep Tayyip Erdoğan, et les mesures qu’ils prévoient risquent de mal passer à Ankara. Pour autant, « nous ne pouvons pas faire semblant de ne pas voir que la Turquie s’éloigne très rapidement des normes européennes », souligne Siegfried Mureşan, qui estime inacceptable que des fonds de préadhésion européens continuent d’être versés au pays.
Le Parlement prévoit donc de réduire de 50 millions d’euros les fonds d’adhésion, et de mettre 30 millions supplémentaires dans une réserve. « Le message que le Parlement envoie au président Erdoğan et à son régime est que les bénéfices qu’ils reçoivent de l’UE dépendent entièrement de leur respect des normes européennes », souligne l’eurodéputé.
Le porte-parole du président turc Recep Tayyip Erdogan a reproché lundi un « manque de vision » et une « soumission au populisme » à la chancelière allemande Angela Merkel qui s’est dite favorable à un arrêt des négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE.
Les fonds en réserve seront quant à eux mis à disposition à la condition que la Turquie respecte certains critères. Dans le cas contraire, cet argent ne sera jamais distribué. La partie du budget qui sera éliminée est celle qui était liée aux réformes démocratiques. Les fonds destinés à l’agriculture et aux activités commerciales seront maintenus.
« Nous voulons continuer à soutenir l’économie turque, et en particulier les Turcs qui en ont besoin, comme les agriculteurs […], mais il serait hypocrite de continuer à soutenir des ‘réformes’ démocratiques », indique Siegfried Mureşan.
Des fonds pour les réfugiés, pas le gouvernement
La Facilité de l’UE en faveur des réfugiés constitue un autre point clé des relations financières entre la Turquie et l’UE. Ce programme alloue 3 milliards d’euros (1 milliard provenant de l’UE et 2 milliards des États membres) à l’accueil des réfugiés en Turquie pour 2016 et 2017. L’argent ainsi débloqué a été directement versé aux ONG travaillant avec les réfugiés, sans passer par le gouvernement turc.
Ce programme prend fin en décembre et son renouvellement n’a pas encore été décidé. « Je m’attends à ce que les États membres, qui sont censés prendre une décision politique là-dessus, proposent de prolonger le programme, parce qu’il a été bénéfique aux deux parties », estime l’eurodéputé roumain.
Le pacte UE-Turquie, signé il y a un an pour stopper le flux migratoire en Europe via la Grèce, a transformé ce pays en « un terrain d’essai des politiques européennes qui bafouent les droits » des réfugiés, ont dénoncé jeudi plusieurs ONG.
Reste cependant à déterminer d’où proviendront les financements et à combien ils s’élèveront. Siegfried Mureşan assure que l’UE ne permettra pas que ce programme prive d’autres projets européens, dans son territoire ou dans des États tiers, de fonds. Le porte-parole du PPE explique donc que le projet pourrait être soutenu grâce aux fonds retirés à la Turquie.
D’autres priorités
Le budget européen pour 2018 soutiendra la croissance et l’emploi en mettant un accent particulier sur l’innovation, la recherche, les infrastructures, les PME et le programme Erasmus. Le Parlement estime en effet que ce sont les aspects les plus compétitifs et orientés vers l’avenir de l’économie européenne.
« Erasmus n’est pas uniquement un échange pour les étudiants », rappelle Siegfried Mureşan. « Cela rend les jeunes plus compétitifs sur le marché du travail. Plus de 65 % des employeurs apprécient que les candidats aient une expérience à l’étranger. »
L’enveloppe de la sécurité est également au centre de l’attention. Ainsi, les agences liées à la justice et aux affaires intérieures, comme Europol, le Bureau européen d’appui en matière d’asile, Fontex et Eurojust seront renforcés. L’un des objectifs de l’UE en la matière est d’améliorer les échanges d’informations entre États membres et de créer une base de données européenne qui rassemble par exemple les informations sur les passeurs et les trafiquants de drogue ou d‘armes.
Le Parlement soutient par ailleurs une meilleure coopération sur la défense, une mesure également soutenue par l’OTAN et l’industrie de la défense, assure Siegfried Mureşan. « À ce jour, 28 États dépensent 28 fois pour des résultats similaires, voire identiques. Nous n’avons pas besoin d’effectuer 28 fois les mêmes recherches sur un drone particulier, par exemple. Nous pourrions dépenser cet argent une fois, au niveau européen, et tous en profiter », plaide-t-il.
Enfin, le budget pour l’année à venir soutiendra les pays de transit, comme le Liban un pays qui compte peu d’habitants, mais a été contraint d’accueillir un nombre très élevé de réfugiés syriens. « Il ne s’agit pas seulement d’aider les réfugiés, mais de soutenir aussi les pays. Accueillir un million de réfugiés crée des difficultés en termes d’accès à l’électricité, de gestion des déchets, d’approvisionnement en eau, etc. Ces pays doivent être aidés », conclut le porte-parole du PPE.
La crise syrienne a poussé quatre millions de réfugiés à rejoindre les pays limitrophes. Ces derniers représentent aujourd’hui 20% de la population de Jordanie et 30% de celle du Liban.
(Sauf que la Turquie détient l'arme des réfugiés. note de rené)
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