jeudi 16 mars 2017

Procès Luxleaks : encore un verdict qui provoque un scandale

JEAN-JACQUES RÉGIBIER
MERCREDI, 15 MARS, 2017
HUMANITE.FR
De nombreux députés européens dénoncent le verdict rendu ce mercredi à Luxembourg, qui condamne en appel les deux lanceurs d’alerte Antoine Delcourt et Raphaël Halet, par qui a été révélé le scandale du Luxleaks. Ils exigent la création rapide d’un statut qui protège réellement les lanceurs d’alerte au niveau européen.
«  Il est scandaleux que ceux qui ont rendu un service inestimable à la société en risquant leur carrière professionnelle, soient encore une fois reconnus coupables, tandis que les riches et les puissants qui volent dans les caisses des centaines de milliards d’euros qui appartiennent aux citoyens européens s’en sortent indemnes, » s’indigne le député européen Fabio de Masi ( GUE-GVN ), membre de Die Linke. Il s’est  rendu à Luxembourg à la fois pour manifester son soutien aux lanceurs d’alerte et pour entendre le verdict, suite au procès en appel qui s’était déroulé en décembre 2016 et janvier 2017: 6 mois de prison avec sursis et 1500 euros d’amende pour Antoine Deltour, 1000 euros d’amende pour Raphaël Halet, et acquittement pour le journaliste Edouard Perrin. Des peines légèrement moins dures que celles prononcées en première instance, mais qui, sur le fond, continuent à condamner les lanceurs d’alerte pour  avoir révéler les fraudes fiscales pratiquées à vaste échelle par des multinationales opérant à partir du Luxembourg. « Dans un état de droit, un personne agissant dans l’intérêt général ne devrait jamais être poursuivie, sanctionnée ou condamnée, » réagit dans le même sens le député Vert Pascal Durand ( Vert-ALE .) «  Ce jugement est d’autant plus incompréhensible que les révélations de ces lanceurs d’alerte ont permis de pousser la Commission européenne à proposer d’importantes réformes fiscales » ajoute Eva Joly ( Vert-ALE .) « Sans leurs actions courageuses, nous n’aurions jamais pu prouver l’existence de ces accords fiscaux douteux entre les grandes entreprises et l’administration fiscale luxembourgeoise. La Cour aurait donc du les acquitter, » juge-t-elle.
 
Car au delà de ce verdict, qui condamne ceux par qui le scandale a été dénoncé, et non pas les auteurs du scandale, quelle est la responsabilité de l’Europe ? « La Commission européenne n’a pas proposé de cadre pour la protection des lanceurs d’alerte malgré les appels répétés du Parlement européen, » déplore Fabio de Masi, qui ajoute : «  c’est aussi une responsabilité personnelle du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a promis d’aborder la question au niveau européen - sans résultat à ce jour. »
 
Et pourtant, bien que la Commission européenne n’ait nullement eu l’intention au départ de protéger les lanceurs d’alerte ( Eva Joly le confirme ), elle a finalement dû s’y résoudre, notamment à la suite des fortes mobilisations citoyennes qui ont eu lieu à l’occasion des procès d’Antoine Delcourt et de Raphaël Halet. «  Ce qui a rendu la situation difficile pour le Luxembourg, » explique Eva Joly, « c’est que l’ancien premier ministre du Luxembourg – Jean-Claude Juncker – , l’évadeur fiscal en chef, préside maintenant la Commission européenne. Chacun sentait bien que c’était gênant aux entournures. Mais cette mobilisation ne se répètera pas, » prévient-elle.
 
Alors où en est-on aujourd’hui dans ce processus qui doit permettre à terme ( peut-être avant la fin de l’année ) de doter les lanceurs d’alerte d’un statut au niveau européen ?
La Commission européenne a lancé hier une consultation publique
Mais, prévient à nouveau Eva Joly, « il faudra être vigilant sur la qualité de ce texte, car dans les pays où le statut des lanceurs d’alerte  existe, on ne protège que ceux qui utilisent les voies internes. Or lorsqu’il y a du blanchiment d’argent, dans la vraie vie, ce n’est pas le lanceur d’alerte qui va dire à son N+1 qu’il y a  des comptes frauduleux. » Il faut donc permettre, ajoute-t-elle, que le lanceur d’alerte puisse prévenir à l’extérieur, les médias ou le défenseur des droits.
Pour l’instant, on est donc encore loin de pouvoir protéger les lanceurs d’alerte en Europe. Fabio De Masi, pour la Gauche Unitaire européenne, affirme en attendant que son groupe soutiendra tous les recours juridiques que pourront faire Antoine Delcourt et Raphaël Halet, au niveau de la justice européenne. Pour Eva Joly, « ce procès est emblématique parce qu’il illustre l’absurdité d’un pays - le Luxembourg - qui peut poursuivre des personnes qui par ailleurs sont reconnues comme des héros. »

Jean-Jacques Régibier

Procès Luxleaks : encore un verdict qui provoque un scandale

JEAN-JACQUES RÉGIBIER
MERCREDI, 15 MARS, 2017
HUMANITE.FR
De nombreux députés européens dénoncent le verdict rendu ce mercredi à Luxembourg, qui condamne en appel les deux lanceurs d’alerte Antoine Delcourt et Raphaël Halet, par qui a été révélé le scandale du Luxleaks. Ils exigent la création rapide d’un statut qui protège réellement les lanceurs d’alerte au niveau européen.
«  Il est scandaleux que ceux qui ont rendu un service inestimable à la société en risquant leur carrière professionnelle, soient encore une fois reconnus coupables, tandis que les riches et les puissants qui volent dans les caisses des centaines de milliards d’euros qui appartiennent aux citoyens européens s’en sortent indemnes, » s’indigne le député européen Fabio de Masi ( GUE-GVN ), membre de Die Linke. Il s’est  rendu à Luxembourg à la fois pour manifester son soutien aux lanceurs d’alerte et pour entendre le verdict, suite au procès en appel qui s’était déroulé en décembre 2016 et janvier 2017: 6 mois de prison avec sursis et 1500 euros d’amende pour Antoine Deltour, 1000 euros d’amende pour Raphaël Halet, et acquittement pour le journaliste Edouard Perrin. Des peines légèrement moins dures que celles prononcées en première instance, mais qui, sur le fond, continuent à condamner les lanceurs d’alerte pour  avoir révéler les fraudes fiscales pratiquées à vaste échelle par des multinationales opérant à partir du Luxembourg. « Dans un état de droit, un personne agissant dans l’intérêt général ne devrait jamais être poursuivie, sanctionnée ou condamnée, » réagit dans le même sens le député Vert Pascal Durand ( Vert-ALE .) «  Ce jugement est d’autant plus incompréhensible que les révélations de ces lanceurs d’alerte ont permis de pousser la Commission européenne à proposer d’importantes réformes fiscales » ajoute Eva Joly ( Vert-ALE .) « Sans leurs actions courageuses, nous n’aurions jamais pu prouver l’existence de ces accords fiscaux douteux entre les grandes entreprises et l’administration fiscale luxembourgeoise. La Cour aurait donc du les acquitter, » juge-t-elle.
 
Car au delà de ce verdict, qui condamne ceux par qui le scandale a été dénoncé, et non pas les auteurs du scandale, quelle est la responsabilité de l’Europe ? « La Commission européenne n’a pas proposé de cadre pour la protection des lanceurs d’alerte malgré les appels répétés du Parlement européen, » déplore Fabio de Masi, qui ajoute : «  c’est aussi une responsabilité personnelle du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a promis d’aborder la question au niveau européen - sans résultat à ce jour. »
 
Et pourtant, bien que la Commission européenne n’ait nullement eu l’intention au départ de protéger les lanceurs d’alerte ( Eva Joly le confirme ), elle a finalement dû s’y résoudre, notamment à la suite des fortes mobilisations citoyennes qui ont eu lieu à l’occasion des procès d’Antoine Delcourt et de Raphaël Halet. «  Ce qui a rendu la situation difficile pour le Luxembourg, » explique Eva Joly, « c’est que l’ancien premier ministre du Luxembourg – Jean-Claude Juncker – , l’évadeur fiscal en chef, préside maintenant la Commission européenne. Chacun sentait bien que c’était gênant aux entournures. Mais cette mobilisation ne se répètera pas, » prévient-elle.
 
Alors où en est-on aujourd’hui dans ce processus qui doit permettre à terme ( peut-être avant la fin de l’année ) de doter les lanceurs d’alerte d’un statut au niveau européen ?
La Commission européenne a lancé hier une consultation publique
Mais, prévient à nouveau Eva Joly, « il faudra être vigilant sur la qualité de ce texte, car dans les pays où le statut des lanceurs d’alerte  existe, on ne protège que ceux qui utilisent les voies internes. Or lorsqu’il y a du blanchiment d’argent, dans la vraie vie, ce n’est pas le lanceur d’alerte qui va dire à son N+1 qu’il y a  des comptes frauduleux. » Il faut donc permettre, ajoute-t-elle, que le lanceur d’alerte puisse prévenir à l’extérieur, les médias ou le défenseur des droits.
Pour l’instant, on est donc encore loin de pouvoir protéger les lanceurs d’alerte en Europe. Fabio De Masi, pour la Gauche Unitaire européenne, affirme en attendant que son groupe soutiendra tous les recours juridiques que pourront faire Antoine Delcourt et Raphaël Halet, au niveau de la justice européenne. Pour Eva Joly, « ce procès est emblématique parce qu’il illustre l’absurdité d’un pays - le Luxembourg - qui peut poursuivre des personnes qui par ailleurs sont reconnues comme des héros. »

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