Bernie Sanders, le candidat "socialiste" qui bouscule la campagne d'Hillary Clinton
(source : L'Obs monde)
Bernie Sanders, sénateur du Vermont, attire les foules dans ses meetings et connait une progression surprenante dans les sondages.
Une image de campagne de Bernie Sanders Bernie 2016
Connaissez-vous Bernie Sanders ? A 73 ans, il s'est lancé dans la course à la présidentielle américaine. Il participe, comme "indépendant", aux primaires démocrates. Il remplit les salles à chacun de ses meetings, telle une vraie rock star. Il fait une percée dans les sondages auprès des démocrates, face à Hillary Clinton. Et 200.000 sympathisants ont signé une pétition de soutien en sa faveur.
Enfin, petit détail qui a son importance au pays qui a inventé Wall Street et le McCarthysme : il se déclare “socialiste”.
Eh oui, il existe des socialistes aux Etats-Unis. Enfin, il en existe au moins un, Bernie Sanders. Il ne s’est pas découvert socialiste sur le tard. Sénateur du Vermont, il campe dans le paysage politique américain depuis longtemps, avec ses idées bien plus à gauche que tous ses collègues.
Les primaires sont comme un jeu de l’oie : on va voter dès le début de 2016 Etat par Etat, en commençant traditionnellement par l’Iowa et le New Hampshire. Ces deux Etats ont donc une importance électorale clé : un succès peut lancer une candidature inattendue ; un échec peut casser une ambition. Or, dans des sondages réalisés dans ces deux Etats auprès de démocrates, Bernie Sanders est crédité d’un quart des voix. C’est deux fois moins que Hillary Clinton, la favorite, mais c’est bien plus que tous les autres candidats. Ceux qui parlaient, à propos de ces primaires, d’une configuration de type “Blanche Neige et les sept nains” vont peut-être devoir réviser leur métaphore.
Barre à gauche
Le succès d’estime de sa candidature traduit un véritable malaise chez une partie des démocrates, ceux de gauche. Ils rêvent d’une alternative à Clinton, considérée comme proche des intérêts de Wall Street. Ils souhaitaient que la sénatrice Elisabeth Warren se présente, mais elle a (pour l’instant) décliné.
Bernie Sanders a pris la place laissée vacante. Son programme ? Augmenter l’impôt sur les riches et les entreprises, augmenter le salaire minimum, rendre les universités publiques gratuites, réformer le financement de la vie politique, freiner les accords commerciaux internationaux, réguler plus hardiment la finance et la banque, étendre la couverture de l’assurance retraite.
Ses chances de gagner les primaires sont très faibles (un socialiste, quand même !) mais si sa percée se poursuit, il a de quoi compliquer la vie et retarder la victoire de l’ex-première dame des Etats-Unis. Surtout, dans le débat qui s’ouvre, celle-ci va devoir se positionner sur les problèmes des Américains que sont le pouvoir d’achat, les inégalités, les conditions de travail, le logement…
Le roi des amendements
Avec son sourire dents au vent, ses cheveux blancs en bataille, ses vêtements froissés, Bernie Sanders est bien connu des amateurs de politique américaine. Officiellement, c’est un “indépendant” (le i de Bernie, dit-il) mais il est rattaché aux Démocrates. Il se définit comme un “socialiste” car son ennemi, c'est la finance, comme dirait l'autre. Il est en guerre contre le “big money” et “le niveau obscène” des inégalités”. Celles-ci, répète-t-il, ont fait dérailler l’économie du pays, qui désormais travaille pour les très riches, au détriment des Américains ordinaires.
Fils d’un immigré polonais qui vendait de la peinture à Brooklyn, Sanders a terminé ses études à l’Université à Chicago, avant de s’installer dans le Vermont, un Etat très “libéral” au sens américain du terme, c’est à dire de gauche. Il y a travaillé comme charpentier et réalisateur de documentaires, tout en se lançant en politique. Dans les années 1970 il a enchainé quelques batailles électorales sans succès jusqu’à son élection à la mairie de Burlington, en 1981, avec seulement 10 voix d’avance.
Burlington est la plus grosse ville (38.000 habitants) du Vermont, qui est lui-même un tout petit Etat, avec 600.000 habitants. La ville a connu un nouveau souffle sous la direction de Sanders. En 1990, il a été élu au Congrès, où il a siégé pendant 16 ans, multipliant les initiatives au point qu’il y a été surnommé “The amendment king”. Puis, à partir de 2006 il a rejoint le Sénat, plus prestigieux.
Vrai ou faux "socialiste" ?
Les Démocrates le soutiennent et s’il agace pas mal de monde dans leurs rangs, ils le considèrent comme l’un des leurs. Lui s’est toujours refusé à se définir comme “démocrate” : il considère ce parti comme un des outils du grand capital. Son inspirateur à lui, c’est Eugene Debs, candidat marxiste à plusieurs présidentielles du début du XXe siècle, dont le portrait orne depuis toujours son bureau.
Mais s’ils ont une pointe d’affection pour Bernie Sanders, les vrais et rares marxistes américains ne le considèrent pas comme un nouveau “Victor Debs”, car il viole le principe dit “d’indépendance de classe” en s’alliant avec un parti financé par des milliardaires. Le fondateur du parti vert, Howie Hawkins, écrit ainsi sur le site du Socialist Worker :
Il va soulever des idées progressistes pendant les primaires, puis il soutiendra la candidate des entreprises Hillary Clinton. Rien ne change. (...) En choisissant de se présenter aux primaires démocrates, il montre qu’il n’est pas Eugene Debs.”
Pour financer sa campagne, Bernie Sanders entend lever 40 millions de dollars d’ici la fin de l’année auprès de centaines de milliers de militants. Contre sa rivale Hillary Clinton, il n'engagera pas de spots agressifs. Il a toujours détesté ce type de campagne, dont il a été plusieurs fois victime. Les flèches en provenance du camp de Clinton, elles, ont commencé à pleuvoir : Bernie Sanders commence à être traité d' "extrêmiste" ou d'"irréaliste", ce qui, selon ses conseillers, est un bon signe : il commence à déranger.
Pascal Riché
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