mardi 3 octobre 2017

La crise des réfugiés ne lâche pas Berlin


Klaus Geigerjournaliste «Die Welt»

La crise des réfugiés a joué un rôle déterminant lors des élections au Bundestag. Et elle occupera encore longtemps l’Allemagne: la CDU et le SPD ont certes amélioré la lutte contre l’immigration illégale, mais ils ne voient pas le problème principal.
Les gymnases sont vides, les lois sur l’asile plus sévères et les frontières de l’Europe bien protégées. La crise des réfugiés est derrière nous. Cependant, elle reste la force motrice de cette République.
La principale question, la question de la confiance, se cache derrière toutes les discussions politiques depuis 2015. La crise des réfugiés a ébranlé et détruit la confiance de millions de citoyens allemands.
Cela vaut particulièrement pour la CDU et le SPD. A la fin de l’été 2015, Angela Merkel a adopté une politique et une rhétorique se voulant contraires aux positions et aux traditions de son parti. Le parti représente l’ordre, mais le gouvernement a perdu tout contrôle sur les personnes pénétrant sur le territoire. Le parti représente l’Etat de droit, mais n’a pas recours à la loi pour déterminer qui a droit à l’asile et qui n’y a pas droit. Il représente la sécurité, mais n’a pas pu empêcher les terroristes de Paris de planifier leur massacre de masse grâce à l’ouverture des frontières.
La récente campagne électorale n’a fait qu’empirer les choses. La chancelière a défendu sa façon de faire tout en déclarant que l’année 2015 ne devait pas se répéter. Elle a donné l’image d’une femme politique usant de tactique et de ruse. Ce n’est pas ainsi qu’on gagne la confiance de ses citoyens. D’autant plus que la chancelière s’est également détournée du programme électoral et de la tradition en ce qui concerne la crise de l’euro et la transition énergétique – et a interprété la situation juridique de manière pour le moins créative. Les électeurs deviennent méfiants.
Tous les étudiants en sciences économiques le savent: une marque a besoin d’une essence claire, d’un message clair. C’est la seule façon de construire une relation de confiance avec les clients. La conquête des électeurs fonctionne de manière très similaire. Cependant, les deux partis populaires ont massivement endommagé leur essence durant la crise des réfugiés.
Le SPD également. La question de l’immigration est au cœur d’une question sociale. Des immigrants relativement peu qualifiés – et ils représentent la majorité de ceux qui sont arrivés en Allemagne récemment – sont en concurrence avec les plus pauvres de notre pays quand il s’agit de décrocher des emplois simples et de bénéficier de prestations sociales. La régulation de l’immigration est donc un thème de gauche, un thème social-démocrate. Le SPD n’a pas voulu l’admettre – et a perdu la confiance de son électorat de base. Une fois de plus.
Ils ont soutenu une politique qui a laissé jusqu’à 80% de tous les immigrants rentrer dans le pays sans passeport – sans vérifier qui avait droit à des prestations sociales. De nombreux électeurs du SPD ont perçu cela comme une injustice – le parti ayant jusque-là toujours soumis les bénéficiaires de l’allocation Hartz IV à des contrôles stricts. A cela est venue s’ajouter la politique d’austérité menée par le gouvernement pendant plusieurs années, une politique qui semblait cependant ne pas s’appliquer aux dépenses réalisées pour faire face à la crise des réfugiés.
Le SPD a tenté de calmer les choses en affirmant que rien ne serait enlevé aux citoyens. Et c’est totalement faux. Voilà la vérité: les citoyens allemands paient des impôts. Le gouvernement est responsable de ce qui est fait de cet argent. Combien retourne aux citoyens via des réductions fiscales, combien est investi dans les écoles, combien est dépensé pour l’intégration des immigrants.
Si l’Etat dépense plus, il doit bien prendre l’argent à quelqu’un. On peut conclure que les milliards nécessaires à l’intégration sont la véritable priorité, mais cela doit faire l’objet de discussions. Et c’est précisément le SPD qui aurait dû faire avancer le débat. Cependant, il a décidé de tourner le dos à son électorat de base, et a préféré chercher à s’attirer les faveurs des élites pro-immigration avec Les Verts et la CDU.
Ce renoncement aux traditions et aux convictions de ces deux grands partis est également à l’origine de leur lourde défaite lors des élections. Les gagnants sont les partis qui ont fait de la crise des réfugiés leur essence.
Pour les possibles membres de la coalition «jamaïcaine», les choses se compliquent. L’alliance vit avec la menace permanente de devenir une masse consensuelle du centre. La coalition ne fonctionnera que si chaque parti garde la face, même dans les situations de compromis, afin de rester visible pour les électeurs. Et donc digne de confiance.
Les Verts, la CSU et le FDP avaient montré une position claire dans la crise des réfugiés. Les partis doivent rester fermes dans la coalition «jamaïcaine». Et c’est déjà suffisamment difficile. Cependant, c’est à la CDU qu’incombe la tâche la plus difficile: le parti doit retrouver des positions claires correspondant à ses convictions. Dans un parlement à six groupes, les partis doivent cultiver leur essence. Les électeurs ont désormais un plus grand choix. Ils choisiront non seulement le parti qui leur plaît le plus à première vue, mais également celui dont ils sont convaincus qu’il défendra leurs intérêts au cours des quatre prochaines années. (TDG)
Créé: 01.10.2017, 22h26

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