Un rapport fustige les dérives d'hôpitaux psychiatriques
La contrôleure générale des lieux de privation de liberté publie un rapport qui fait frémir sur la multiplication des pratiques indignes dans les hôpitaux psychiatriques.
Cela se sait, cela le voit. Depuis quelques années, se multiplient des pratiques de contention et d’isolement systématiques dans les services de psychiatrie en France. Et il ne se passe rien. Ou si peu. On laisse faire, on regarde ailleurs. A l’exception de quelques personnalités comme le député (PS) Denys Robiliard, cela se poursuit dans une relative indifférence des pouvoirs publics. Le ministère de la Santé, ainsi, ne réagit pas. Est ce que le rapport que publie, ce mercredi la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, va changer la donne ?
Un rapport clair, ferme, et inquiétant, que révèle l'Agence France Presse. Pour la première fois depuis sa création en 2008, le CGLPL a établi un bilan thématique de ses 121 visites dans 112 établissements de santé mentale représentant 40% des sites spécialisés en psychiatrie. Il porte sur deux pratiques anciennes qui «connaissent une recrudescence depuis une vingtaine d’années», «l’isolement» ou le placement d’un patient dans un espace fermé qu’il ne peut ouvrir et la «contention mécanique», qui consiste à l’immobiliser par des liens, attaches ou camisoles. «La grande majorité des unités de soins visitées disposent d’une, voire de deux chambres d’isolement et de matériel de contention», explique le rapport.
Pour le CGLPL, le développement de ces pratiques s’explique par «une réduction des effectifs», «la présence insuffisante des médecins», «une évolution de l’approche psycho pathologique» et «un manque de réflexion d’ensemble sur la liberté de circulation des patients».«L’impératif de sécurité» est également mis en avant, souligne Adeline Hazan, pour qui le malade mental «ne bénéficie pas de la représentation qui s’attache à toute maladie : souffrance, fragilité, besoins de soins, compassion» en raison d’un présupposé sur sa dangerosité, «plus alimenté par le traitement médiatique d’événements exceptionnels que par une réalité statistique d’un quelconque danger».
Défaillances dans la surveillance
Parmi ses observations, elle constate un détournement de l’utilisation de ces outils, prévus pour faire face à des situations de crise limitée dans le temps, à des fins disciplinaires ou de sanction, «certains services allant jusqu’à établir un barème en jours d’isolement en fonction de la transgression à des règles fixées».
Certains règlements intérieurs prévoient un séjour systématique des patients à l’isolement lors de leur admission pour des durées pouvant atteindre quinze jours. Quant aux détenus, ils sont systématiquement placés en chambre d’isolement. L’isolement est plus affaire de «culture de service» que de type de patient. Sa durée est variable et l’organisation des chambres n’est pas normalisée. Les modalités de contention ne sont pas plus uniformes allant de deux membres à quatre membres, au buste et au bassin attachés», constate le rapport.
Concernant les atteintes aux droits fondamentaux des patients, le rapport mentionne des défaillances dans la surveillance, l’absence de sonnette d’appel. «Certains, attachés, n’ont d’autre choix que d’attendre le passage d’un infirmier, parfois seulement toutes les deux heures et moins la nuit, pour obtenir à boire, demander le bassin ou signaler un malaise.»
Rapport terrifiant
Le droit à l’intimité est bafoué par le développement de la vidéosurveillance, voire l’installation de micros et de caméras thermiques «attentatoires à la dignité des patients», dénonce le CGLPL, qui déplore également «les interdictions de visite», des patients obligés de manger par terre en utilisant leur lit comme table, l’obligation du port du pyjama sans justification médicale et l’absence d’activité. Parmi les patients, «le sentiment d’incompréhension voire de punition domine»,écrit le CGLPL. «Tout doit être mis en œuvre pour apaiser la personne en situation de crise avec des approches alternatives à une mesure de contrainte physique», écrit dans ses recommandations la contrôleure. Elle prône une traçabilité de ces pratiques avec la tenue d’un registre et une information de la personne concernée et de ses proches sur ses droits.
Elle souhaite qu’un examen psychiatrique préalable soit systématiquement réalisé et que la décision soit motivée pour justifier son caractère «adapté, nécessaire et proportionné». «La mesure de contrainte physique doit être la plus courte possible et ne saurait dépasser la situation de crise.» Sans une nouvelle décision, elle ne doit pas dépasser vingt-quatre heures pour l’isolement et douze pour la contention.
Sera-t-elle entendue ? Faut-il rappeler, il y a deux mois, le rapport terrifiant qui avait été déjà publié sur l’hôpital psychiatrique de Bourg-en-Bresse, où des patients étaient enfermés, attachés pendant plusieurs mois? Le ministère de la santé, comme l’Agence régionale de la santé, n’avait pas réagi. Faut-il souligner l’appel lancé, en septembre dernier par le collectif des 39 «Non à la contention»? Peu ou pas d’échos. Comme si ce qui se passe dans les hôpitaux psychiatriques tombait désespérément dans un trou noir.
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