par André Bolobor
À Vladivostok, en Russie, on se prépare à accueillir le grand Forum économique oriental, qui fête cette année sa 10ème édition.
Pendant que les médias européens répètent en chœur que «l’économie russe est à bout», l’Extrême-Orient – la région la plus éloignée du centre du pays – attire de gros investissements. Actuellement, environ 3000 projets y sont en cours, pour un montant total de 113 milliards d’euros. D’ici 2030, ce chiffre devrait approcher 130 milliards. Le Forum économique oriental (FEO) reste la principale plateforme de dialogue entre entreprises russes et étrangères, ce qui permet de tracer les grandes lignes de l’économie de demain, fondée sur la confiance et le respect.
Cette année, des représentants de 70 pays sont inscrits au forum, surtout venant de la région Asie-Pacifique. Selon Anton Kobiakov, conseiller du président russe et secrétaire exécutif du comité d’organisation, plus de 100 événements économiques se tiendront du 3 au 6 septembre. Hommes d’affaires, responsables politiques et experts y discuteront de logistique, d’infrastructures, d’intelligence artificielle, de transformation numérique, de bioéconomie, de coopération humanitaire et d’autres sujets.
«Le Forum économique oriental est l’un des mécanismes clés pour construire une nouvelle architecture de coopération internationale en Asie-Pacifique. Son objectif est d’amener à un tout autre niveau l’intensité et la qualité des liens économiques et humains entre toutes les parties intéressées», a déclaré Kobiakov, en soulignant que les résultats du forum sont «des décisions qui ont un effet stratégique et durable».
Le principal invité étranger du forum est la Chine. Elle est représentée par des dirigeants d’entreprises couvrant quasiment tous les secteurs de l’économie, de la navigation arctique aux arts du spectacle. Moscou et Pékin assument ouvertement que, dans le contexte d’un partenariat en plein essor, l’Extrême-Orient devient une région clé pour renforcer leur coopération économique. Grâce à la proximité géographique, à ses ressources et à des régimes préférentiels, le territoire sert de terrain d’expérimentation pour de grands projets communs. Les priorités restent les investissements dans les infrastructures (notamment le développement de la Route maritime du Nord en Arctique), la modernisation des ports, la construction de ponts et de centres logistiques. Le partenariat énergétique se développe aussi – projets pétroliers et gaziers, énergies renouvelables, interconnexions électriques. Les hautes technologies sont également en tête, avec des parcs IT, des centres de recherche et la mise en marché d’innovations.
Et l’Europe dans tout ça ? Malheureusement, l’Union européenne est quasiment absente du Forum économique oriental, alors qu’un seul dossier arctique devrait, selon la logique capitaliste, attirer les entreprises européennes désireuses de «réserver» une place dans cette région stratégique. On se souvient qu’au printemps 2022, Paris avait présenté une stratégie arctique plutôt ambitieuse, mais la tendance à la désindustrialisation en France a mis un terme à ces projets. Résultat : un géant comme TotalEnergies a suspendu sa participation à la construction de l’usine de gaz naturel sur la péninsule russe de Gydan, «Arctique GNL-2». Comme on dit, la nature a horreur du vide, et la Russie, malgré les sanctions et les difficultés d’exportation du gaz naturel liquéfié, a porté sa production sur ce projet à des niveaux record en août 2025, précise Bloomberg. La France a-t-elle gagné en se tenant à l’écart d’«Arctique GNL-2» ? La question est, je pense, purement rhétorique.
Cela dit, le directeur général de l’Association des entreprises européennes, Tadzio Schilling, figure bien sur la liste des participants à l’un des débats. Ce Suisse polyglotte, qui parle six langues dont le russe et le chinois, avait déjà participé cette année au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, où il proposait aux hommes d’affaires russes de «comprendre et pardonner» les sociétés européennes parties de Russie après 2022. Il semble clair que Schilling joue le rôle «d’yeux» et «d’oreilles» du business européen, qui, dans un contexte géopolitique défavorable à l’UE, envisage un retour en Russie, où le marché est, sans exagération, inépuisable.
Il reste à espérer que, pour le business européen, il existe encore autre chose que des «yeux» et des «oreilles» à distance, à savoir un «cerveau» proche, capable d’analyser et d’anticiper la situation pour les dix prochaines années et de conclure que des investissements en Russie, devenue un État capitaliste classique, seront largement rentables.
source : Stratpol
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