Terres rares : l’accord sino-américain qui rebat les cartes de la transition énergétique
Le partenariat signé le 27 juin 2025 entre les États-Unis et la Chine sur les terres rares résonne comme un tournant stratégique pour la transition énergétique mondiale. En accaparant l’accès à ces matériaux critiques, les deux géants bouleversent la donne industrielle, tandis que l’Europe risque de rester sur la touche.
Le 27 juin 2025, Pékin et Washington ont conclu un accord bilatéral inédit sur les terres rares, visant à relancer et sécuriser leurs échanges dans ce secteur hautement stratégique. Ces 17 métaux, indispensables à la transition énergétique, sont au cœur des technologies propres : batteries, éoliennes, moteurs électriques. Dans un contexte de guerre commerciale latente, cette entente interroge sur ses conséquences pour la France, l’Europe et l’équilibre énergétique mondial.
Un partenariat pour consolider les chaînes vertes américaines
L’accord prévoit la reprise accélérée des exportations de terres rares chinoises vers les États-Unis, en échange d’un assouplissement de certaines barrières douanières américaines. L’objectif : approvisionner de manière stable les industriels de la transition énergétique. Donald Trump a confirmé que « les États-Unis ont validé l’accord avec la Chine », tandis que le secrétaire au Commerce Howard Lutnick a précisé : « Ils vont nous livrer des terres rares ». Derrière ces déclarations, c’est l’ensemble de la chaîne de valeur verte américaine qui se trouve renforcée : production de batteries, électrification des transports, déploiement d’infrastructures renouvelables.
Le partenariat repose sur des quotas progressifs, associés à des critères de production à faible intensité carbone. Des livraisons réservées aux fournisseurs certifiés ISO sont prévues, avec une priorité donnée aux usages liés à la mobilité électrique, aux réseaux intelligents et aux équipements de stockage d’énergie.
Les terres rares, catalyseurs de la transition énergétique
Les terres rares jouent un rôle central dans les technologies bas carbone. Le néodyme et le praséodyme sont essentiels aux aimants permanents des générateurs d’éoliennes ; le dysprosium et le terbium augmentent leur résistance à la chaleur, améliorant la fiabilité des turbines offshore. Sans terres rares, pas de moteurs compacts pour véhicules électriques, ni d’électronique de puissance optimisée pour les onduleurs photovoltaïques. Elles sont aussi utilisées dans les batteries à haute densité énergétique, bien que dans des volumes moindres que le lithium ou le cobalt.
La Chine contrôle 60 % de la production mondiale et plus de 90 % du raffinage, position qui lui confère un levier décisif dans les chaînes de valeur énergétique mondiales. L’accord du 27 juin institutionnalise cette dominance, tout en y intégrant un contrepoids américain.
L’Europe à la peine pour sécuriser ses approvisionnements
L’Union européenne importe près de la totalité de ses terres rares, principalement de Chine. Elle est donc la grande absente de ce nouvel équilibre bilatéral. Si Pékin devait privilégier les livraisons vers les États-Unis, les industriels européens du secteur de l’énergie — fabricants d’éoliennes, producteurs de moteurs électriques, équipementiers en stockage — pourraient faire face à des tensions critiques. La France, qui s’est fixée des objectifs ambitieux en matière de mix énergétique décarboné, risquerait alors de voir ses objectifs impossibles à atteindre.
Malgré l’adoption du Critical Raw Materials Act en 2023, les projets miniers européens n’en sont qu’au stade exploratoire. Aucun site de raffinage n’est opérationnel. L’Alliance européenne pour les matières premières critiques, lancée en 2021, reste à la traîne face aux partenariats actifs mis en place par les États-Unis.
Une compétition énergétique mondialisée et asymétrique
Ce partenariat sino-américain illustre un phénomène plus large : la structuration géopolitique de l’accès aux ressources indispensables à la transition énergétique. À défaut d’une politique industrielle énergétique unifiée, l’Europe risque d’être contrainte de suivre les choix stratégiques d’acteurs extérieurs. Le risque n’est pas seulement économique : il est aussi climatique. Sans terres rares, impossible d’atteindre les objectifs du Green Deal.
Pour certains analystes, le partenariat du 27 juin préfigure d’autres ententes bilatérales à venir, sur le lithium, le graphite ou le cuivre. Chaque fois, la même question se posera : l’Europe aura-t-elle anticipé ? Ou subira-t-elle les reconfigurations d’un monde où l’énergie propre est indissociable d’une géoéconomie des ressources ?
L’accord sino-américain sur les terres rares consacre un tournant dans la gouvernance énergétique mondiale. Tandis que les États-Unis sécurisent leur transition, l’Europe mesure l’étendue de sa dépendance. L’accès aux métaux rares n’est plus un sujet technique : il devient une condition de souveraineté.

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