TAFTA: Les députés allemands ont accès aux documents secrets
© AFP 2016 Tobias Schwarz
11:32 27.01.2016(mis à jour 15:07 27.01.2016) URL courte
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Les accords de libre echange transatlantique, ou TAFTA, ont beaucoup fait parler d'eux, et on leur a beaucoup reproché leur manque de transparence.
Seulement le ministre allemand de l'Economie annonçait il y a peu qu'à partir de lundi, les députés allemands auront accès à des documents secrets, documents auxquels les députés européens ont eux aussi gagné l'accès… La transparence se fait-elle enfin sur ces accords controversés? Et quid de la France?
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L'Allemagne est le premier pays à permettre aux parlementaires de consulter des documents secrets liés au TAFTA. Le ministre de l'Economie allemand Sigmar Gabriel a adressé une lettre à Norbert Lammert (président du Bundestag) et à Stanislaw Tillich (président du Bundesrat, Conseil fédéral d'Allemagne): à partir du 1er février, leurs membres pourront se rendre dans une salle spéciale du ministère de l'économie afin de consulter des documents, des "textes consolidés", montrant respectivement les positions de l'UE et des États-Unis sur le sujet controversé du TAFTA. Il serait bien que la France prenne exemple, estime Danielle AUROI, députée EELV Puy de Dôme et Présidente de la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale:
Il faudrait surtout qu'en France la même chose soit faite. On a beaucoup de mal à voir les documents, et il faut les consulter à l'ambassade des Etats-Unis, ce qui est totalement anormal. Donc bien sûr, c'est un pas dans le bon sens, mais un tout petit pas, parce que le problème du TAFTA, c'est que malgré tout, même s'il y a un peu plus de transparence pour les parlementaires européens, et j'espère bien demain pour les parlementaires nationaux, il n'y a quand même pas une transparence suffisante. Parce que les citoyens de l'Union européenne ne sont pas vraiment au courant de ce qui se trame dans ces accords TAFTA. On voit bien que le blocage vient certes des Etats-Unis d'un côté, mais aussi de la Commission d'un autre côté.
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Dans une salle sous haute surveillance, ils pourront avoir un aperçu des documents de ces négociations secrètes, mais sans les photocopier. Jusqu'à présent, seule une quarantaine de représentants de ministères fédéraux y avaient accès, au sein de l'ambassade américaine à Berlin. En novembre, la Commission européenne et le gouvernement américain avaient apporté leur feu vert sur le visionnage des documents. Le Parlement européen a déclaré en décembre que ses 751 députés auraient désormais accès, dans des salles de lecture sécurisées, à l'ensemble des documents confidentiels sur le traité transatlantique, textes consolidés inclus. Une "victoire" selon le président de la commission du commerce internationale Bernd Lange, qui se réjouit de voir les députés européens "exercer leur devoir de contrôle démocratique concernant les négociations sur le TTIP".
On a toujours notre mot à dire. Et on va le faire, que la Commission et les gouvernements le veuillent ou non, en définitive c'est le parlement européen et les parlements nationaux qui statueront, si oui ou non il y a acceptation de ce traité. Donc, du côté de la démocratie, ça se joue au fur et à mesure du fait que pour le moment, un grand nombre de parlementaires disent qu'ils sont plus que réservés sur ce que prépare cet accord. Bien entendu, chaque fois que nous avons les informations les plus claires possibles, nous pouvons informer nos collègues et statuer le plus clairement du monde. Mais très franchement, par exemple, la commission des Affaires européennes de l'Assemblée nationale s'est déjà prononcée, au moins à deux reprises, sur ce qu'elle pensait de ce qui était possible ou pas possible, dangereux ou pas dangereux dans le TAFTA. Donc avoir plus d'information, c'est juste respecter les parlementaires. C'est juste ce qui doit être fait, ça n'a rien d'une victoire. C'est juste, enfin, faire ce qui est normal de faire dans la démocratie européenne. Ce n'est rien de plus.
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Pour Paul Zurkinden, secrétaire national du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) chargé de la mondialisation et du TAFTA et vice-président de Critique de la Raison Européenne, le cas de l'Allemagne est une avancée, certes, mais minime. Le cycle des négociations pour le traité transatlantique a débuté en juillet 2013 et ce n'est qu'en janvier 2016 que les parlementaires ont accès à un minimum de transparence. Le tout dans des conditions jugées particulièrement scandaleuses: lorsque les parlementaires européens sont considérés comme des suspects et non pas comme des représentants de leurs intérêts nationaux, cela ne peut que créer un déséquilibre entre les partis qui négocient, l'Union européenne et les Etats-Unis:
Mais il faut bien se rendre compte que ce traité symbolise une réalité nouvelle dans les relations internationales: c'est plus qu'un traité commercial, c'est un mode de gouvernement, qui se dispense de toute légitimité démocratique, et qui substitue dans tous les domaines de la société le marché à l'Etat. Il est en ce sens un symptôme de déficit démocratique. Les peuples et les parlements sont les grands absents de ces négociations, les traités sont préparés par les fonctionnaires, négociés par des diplomates, avant d'être signés par des ministres de gouvernements, nommés et non élu. Donc on voit bien que cela pose toute une série de problèmes au niveau démocratique. Parce que même si les parlementaires ont accès aux documents de négociations, le vote sur la ratification du Traité transatlantique se fait sans pouvoir d'amendement des députés que ce soit dans les parlements nationaux ou au parlement européen, et donc on leur demandera simplement de valider un traité qui aura entièrement été négocié sans qu'il puisse participer à cette négociation et sans qu'on leur demande leur avis.
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Les négociations opaques du Traité transatlantique suscitent plus de mobilisations en Allemagne qu'en France, même si en septembre dernier Matthias Fekl, secrétaire d'État français au Commerce extérieur, se montrait critique envers l'attitude américaine: «trop d'asymétries, pas assez de réciprocité», concernant l'accessibilité aux documents, la pris en compte des souhaits de l'autre, etc. Mais les négociateurs l'ont confirmé: l'Europe et Etats-Unis devront conclure l'accord de libre-échange en 2016, avant la fin du mandat de l'administration Obama.
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