Le Maroc accepte de reprendre ses enfants des rues en Suède
Chaque année, au moins 400 mineurs non accompagnés d’origine marocaine entrent clandestinement en Suède et y déposent une demande d’asile politique. Un accord conclu le 19 janvier entre les Stockholm et Rabat va enfin permettre le retour de ces enfants au Maroc.
Le ministre de l’intérieur suédois, Anders Ygeman, et le président de la Chambre des représentants du Maroc, Rachid Talbi Alami, ont pris l’engagement d’« œuvrer de concert à un meilleur retour des ressortissants marocains ». Le royaume chérifien, longtemps réticent, est désormais « disposé à reprendre un plus grand nombre de ses citoyens », indique un communiqué ministériel suédois.
Pour faciliter les rapatriements, un comité doit travailler à l’identification des mineurs. Stockholm se dit prêt à « soutenir les organisations de la société civile pour permettre une meilleure réadaptation des enfants au Maroc ». Une aide en matière de « formation et d’expertise technique » est notamment envisagée.
« A part Dieu, personne ne peut m’aider »
Sur un total de 35 369 mineurs non accompagnés ayant déposé une demande d’asile l’an dernier en Suède, 403 seraient marocains, à peu après autant en 2014. Mais ces chiffres sont bien inférieurs à la réalité : l’Office des migrations estime qu’un mineur marocain sur trois ou quatre disparaît dans la nature après son entrée sur le territoire scandinave, de peur de se voir refuser l’asile. Seul 4 % des demandes d’asile de ressortissants marocains ont en effet reçu un avis favorable en 2015.
Selon une enquête réalisée par le site d’information returnofkings.com, près de 200 mineurs marocains vivraient à Stockolm dans des conditions précaires. Ils trouvent refuge dans la gare centrale de la ville, les bâtiments abandonnés ou les cages d’escalier. Certains enfants « sont utilisés par des criminels plus âgés, rapporte un officier de police, qui a souhaité gardé l’anonymat. Nous avons vu des jeunes faire des cambriolages pour survivre. Ils vendent de la drogue et commettent des vols à la tire ». D’après l’un des garçons interrogés par returnofkings.com, le désespoir aurait même conduit certains à se prostituer.
Les autorités tentent de les localiser pour leur prodiguer un abri et de la nourriture. Mais de peur d’être expulsés, les adolescents se cachent. « A part Dieu, personne ne peut m’aider », a confié un des jeunes. Pourtant, dans la loi suédoise, les mineurs ne peuvent être expulsés si il n’y a pas d’adultes dans leur pays d’origine qui peuvent les recueillir. Seuls deux jeunes marocains ont été renvoyer chez eux depuis 2011.
La Suède lâche le Sahara occidental
Le déblocage des consultations sur les enfants des rues intervient quelques jours après la décision de la Suède de renoncer à étudier la possibilité de reconnaître l’indépendance du Sahara occidental. Les deux pays nient toutefois tout lien entre les deux dossiers : le président marocain de la Chambre des représentants « a été clair sur le fait que ça n’avait rien à voir », a affirmé un porte-parole du ministère suédois de l’intérieur.
Le Maroc propose au Sahara occidental, vaste territoire peuplé d’un demi-million d’habitants, une large autonomie sous sa souveraineté, tandis que le Polisario, soutenu par l’Algérie, réclame un référendum d’autodétermination. Les efforts de médiation de l’ONU sont dans l’impasse.
En décembre 2012, les sociaux-démocrates suédois, alors dans l’opposition, avaient fait voter au Parlement une motion demandant la reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Mais depuis son retour au pouvoir, en octobre 2014, le parti de gauche semble faire volte-face. « Toute notre énergie sera consacrée à soutenir le processus de l’ONU [de médiation entre ces deux parties], a déclaré le 15 janvier la ministre des affaires étrangères suédoise, Margot Wallström. Une reconnaissance ne favoriserait pas ce processus. La situation au Sahara occidental diffère par ailleurs de celle des États que la Suède a reconnus par le passé. »
Cette question épineuse empoisonnait les relations maroco-suédoises. Le revirement suédois s’est d’ailleurs fait au terme d’un « processus de consultation interne » de plusieurs mois. La position suédoise sur le Sahara occidental avait été pointée du doigt lorsque le Maroc avait empêché en septembre 2015 l’ouverture du premier magasin Ikea dans le pays, dans la périphérie de Casablanca, officiellement pour manque d’un « certificat de conformité ». Des discussions avaient alors eu lieu entre les deux pays, lesquelles se sont terminées à la satisfaction du Maroc.
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