Syrie, un mois après les premières frappes russes, les chrétiens sont soulagés
Il y a un mois, la Russie entrait officiellement dans le conflit opposant l’armée syrienne régulière à l’État islamique et aux autres groupes djihadistes. Une intervention pleine de succès dans les premiers temps et qui réjouit les chrétiens du pays.
En février 2012, au cours de sa dernière campagne présidentielle, Vladimir Poutine avait promis d’œuvrer en faveur des chrétiens persécutés. En Syrie, les rebelles s’en prenaient déjà aux minorités chrétiennes, alaouites et druzes. Ainsi, le même mois où Poutine prenait son engagement, des opposants à Bachar el-Assad attaquaient un monastère, et, dans la semaine suivant cette promesse, l’archevêque orthodoxe de Homs, Mgr Gregorios Yohanna Ibrahim, affirmait à l’agence de presse ZENIT que la moitié des familles chrétiennes de la ville de Homs avaient quitté leur cité. Un mois plus tard, il ne restait que 10% de chrétiens dans cette ville après queles rebelles en avaient expulsé la majorité. A travers toutes les régions de Syrie sous la main des islamistes, les chrétiens sont persécutés tandis que les chancelleries occidentales, qui dénoncent le régime d’Assad, se taisent relativement concernant les crimes contre les minorités quand elles ne les attribuent pas de facto à Assad avant de disposer de preuves.
Les chrétiens syriens sauvés par l’intervention russe
Lors d’un entretien accordé à TV Libertés le 22 octobre dernier, l’ancien homme politique affirmait que Vladimir Poutine lui avait assuré prendre le relai de Saint Louis, protecteur des chrétiens d’Orient. Si l’intervention russe en Syrie vise peut-être à sauver les chrétiens, elle a certainement pour finalité des raisons géostratégiques, Moscou tenant à retrouver son influence au Moyen-Orient, conserver le port de Tartous où se trouve une installation permanente de la flotte militaire russe et se poser de façon pérenne en Méditerranée. Cette intervention a d’abord permis de libérer la Syrie de la présence de l’État islamique en 72 heures, selon ce qu’avaient annoncé les autorités russes. Mais Moscou cible également al-Nosra, la branche d’al-Qaïda en Syrie, soutenue par l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, et dont le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, avait dit qu’elle faisait « du bon boulot », un soutien qui lui vaut aujourd’hui une plainte de Syriens. Vladimir Poutine ne s’arrêterait d’ailleurs pas là et pilonnerait tous les groupes armés combattant le régime d’Assad. Un choix qui, au vu de la porosité entre les mouvements dits rebelles, ne manque pas de sens, puisque des opposants présentés comme modérés collaborent avec des djihadistes selon les circonstances. Les chrétiens, pour leur part, expriment leur soulagement.
Une semaine après le début des frappes russes, l’archevêque d’Alep déclarait à la RTS : « Poutine sert la cause des chrétiens en Syrie. » Un propos approuvé par d’autres ecclésiastiques, notamment par le Père Toufic de la petite ville martyrisée de Maaloula.
Un soutien des chrétiens aux armes par réalisme : confrontés à l’opposition à Assad, ils savent que le conflit n’est pas que politique mais aussi – et probablement avant tout – religieux. Dès lors, les chrétiens sont persécutés non seulement en tant que communauté ménagée par la dynastie des Assad qui devait se concilier toutes les minorités pour se maintenir au pouvoir, mais également en tant que chrétiens, pour leur foi. Divers témoignages relatent le ciblage des chrétiens par des rebelles qui les menacent même parfois de mort à partir des minarets. L’élection d’un opposant de confession chrétienne, Georges Sabra, à la tête du Conseil national syrien en novembre 2012 n’a rien amélioré pour les chrétiens, peut-être davantage l’image des rebelles.
Les chrétiens, une minorité protégée par les Assad
Si Damas a mené la guerre aux chrétiens du Liban, le régime des Assad accorde une protection certaine aux chrétiens en Syrie. Le pays était même devenu le principal lieu de refuge des chrétiens irakiens jusqu’en 2011. Depuis mars 2011, 450 000 chrétiens ont quitté le pays ou changé de région pour fuir les rebelles, quasiment le tiers de la communauté.
La situation des chrétiens, discriminés, a changé avec le coup d’Etat de 1963 qui a porté le parti Baas d’inspiration laïque au pouvoir, et surtout le coup de force de Hafez el-Assad, le père de l’actuel président, qui a recherché l’appui des minorités pour consolider son pouvoir. Assad étant un alaouite, il faisait partie d’une minorité face aux sunnites. Cette communauté représente 11% de la population, l’appoint des 8 à 10% de chrétiens n’est pas négligeable. Ces derniers ont donc bénéficié d’une amélioration de leur condition avec la quasi-suppression d’un statut discriminatoire en droit islamique, la dhimma. Dhimmi, les chrétiens devaient accepter la domination musulmane et d’autres obligations aléatoires, en échange d’une protection. Les chrétiens ont certes également subi diverses violations des droits de l’homme sous les régimes Assad, mais pas en raison de leur religion. Par exemple l’arabité du régime a pénalisé les Arméniens et les Assyriens. Mais la communauté a enfin pu vivre dans une relative sécurité, le régime muselant les islamistes, lesquels sont très actifs au sein de la révolution, comme dans tous les pays musulmans ayant connu le changement de pouvoir en 2011.
Un mois après les premières frappes russes, Moscou et Damas éprouvent davantage de peine à reprendre du terrain. Très affaiblie, l’armée arabe syrienne n’a pu reprendre que peu de terrain, même si plusieurs localités ont été libérées,notamment une cinquantaine dans la province d’Alep. Les rebelles gagneraient du terrain au nord de Damas ; après avoir été boutés hors du pays par les chasseurs russes, ils se sont associés les uns aux autres et bénéficient de missiles américains TOW capables de frapper à 3 500 mètres, missiles qui leur seraient livrés par la Turquie et l’Arabie saoudite. « Le régime n’a pas pris beaucoup de terrain (…) Le flot continuel des blessés graves pourrait rendre ses forces plus vulnérables face à une contre-attaque des rebelles », estime Chris Kozak de l’Institut de l’étude de la guerre.
Particulièrement persécutés par les rebelles islamistes, les chrétiens espèrent que Bachar el-Assad restera au pouvoir, qu’ils l’apprécient ou non.
JD.
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