mardi 5 janvier 2016

Quand la chine s’éveille à la RSE

le Quotidien du Peuple en ligne | 20.08.2015 10h08 source : le Quotidien du Peuple
Au travers d'une lutte contre une pollution envahissante et une corruption endémique, la notion de responsabilité sociale des entreprises (RSE) commence à prendre corps en Chine. C'est ce que constate Nathalie Bastianelli. Bonne connaisseuse de l'Empire du milieu, où elle a vécu, elle a fondé Belong & Partners, une plateforme dédiée à la rencontre des entreprises occidentales et du monde émergent, autour des enjeux du développement durable.
Q : Comment la RSE est-elle encadrée en Chine ?
La première législation sur la RSE date de 2005. Mais depuis, les mesures en ce sens se multiplient. Les bourses de Shenzen (2006) et de Shanghai (2008) obligent les entreprises cotées à publier un rapport RSE.
En 2014, la Chine a obligé les 15 000 entreprises les plus polluantes, y compris les grands groupes publics, à publier les chiffres de leurs émissions dans l'air et de leurs rejets dans les rivières. Compte tenu des collusions entre les administrations locales et les usines en cause - qui financent parfois elles-mêmes les systèmes de contrôle -, c'est une évolution majeure.
Depuis peu, les entreprises qui enfreignent les lois environnementales ne sont d'ailleurs plus admissibles aux prêts bancaires, aux offres publiques ou aux allégements fiscaux à valeur ajoutée.
Q : Comment cette législation est-elle appliquée ? On lui reproche souvent son caractère volontaire ou le manque de sanctions.
C'est de moins en moins vrai, surtout dans le domaine de l'environnement et de la corruption. Les sanctions - qui peuvent être pénales - sont de plus en plus lourdes. Ce ne sont plus seulement les dirigeants des entreprises qui peuvent être sanctionnés mais aussi les fonctionnaires responsables du contrôle des entreprises, notamment dans les cas de pollution. C'est un signal très fort. Pour ce qui est de la corruption, la campagne menée par le président Xi-Jinping touche tout le monde : politiques et entreprises, étrangères et chinoises.
Par ailleurs, la pression sociale exercée sur les entreprises dans le domaine environnemental est très forte. La pollution est la première cause de manifestation dans le pays. Des entreprises ont déjà dû renoncer à plusieurs projets d'usines polluantes en raison de l'opposition de la population. Et les critères d'implantation se sont durcis.
Depuis 2013, la pollution, notamment atmosphérique, est une priorité pour la Chine. Mais l'an dernier, le gouvernement a aussi reconnu la réalité effrayante de la pollution des sols, des nappes phréatiques, des villages du cancer, etc. C'était inimaginable il y a quelques années. Aujourd'hui, le discours officiel veut que préserver l'environnement, c'est préserver la productivité.
Q : Quid du domaine social ? De ce côté-là, les avancées semblent moins rapides…
C'est vrai. Mais les choses changent, même si les progrès sont trop lents en ce qui concerne les Mingong par exemple, ces ouvriers venus des campagnes et dont les conditions de travail s'apparentent parfois à de l'esclavage moderne.
Mais ces dernières années, la Chine a mis en place un système de sécurité sociale et un système de retraite. Et le salaire minimum grimpe de 15 à 20 % chaque année. La question sociale n'est pas simple. Les entreprises occidentales, en tant que donneuses d'ordres, n'y sont pas pour rien étant donné leurs exigences en termes de qualité, de délais et de coûts. C'est une équation impossible à tenir pour les fournisseurs !
Quant aux systèmes de contrôle, ils restent encore trop facilement contournables, car les entreprises sont très souvent prévenues des audits, ce qui leur laisse le temps de masquer une partie des problèmes [le travail infantile notamment, NDLR]. Les Chinois misent beaucoup sur la coopération avec les entreprises occidentales dans ce domaine.
Q : Qui porte la RSE en Chine ?
C'est l'État qui est d'abord attendu sur ces questions. Ce sont donc les entreprises publiques, particulièrement les industries lourdes et très polluantes, qui sont en première ligne et doivent opérer un virage environnemental très fort.
Mais de très grandes sociétés chinoises se montrent pionnières dans la mise en place d'une démarche RSE plus globale. Par exemple, China Mobile Communication Corporation (CMCC), le plus grand opérateur de téléphonie mobile du monde, est très engagé dans une politique RSE et a fortement investi en faveur de son réseau d'abonnés ruraux, y compris dans les régions les plus déshéritées.
Suning Appliance, le premier détaillant chinois en appareils ménagers électriques, a quant à lui créé le premier modèle de responsabilité environnementale directement applicable à des entreprises chinoises de détail, et vise une "chaîne de valeur verte", avec un système de management environnemental mesurable. Le fait que des entreprises leaders montrent la voie est absolument essentiel dans la culture chinoise.
Par ailleurs, pas une semaine ne se passe en Chine sans que ne soit organisé un événement dédié à la RSE. La conscience des problèmes est là. Mais la RSE "à la chinoise" reste encore beaucoup focalisée autour du fait de donner un travail au plus grand nombre, de contribuer à la stabilité sociale et de travailler dans le respect des règles édictées.
Q : Comment diffuser plus largement la RSE en Chine ?
Ce qui me semble aujourd'hui indispensable, c'est de montrer qu'une entreprise durable est une entreprise rentable. Qu'il existe des solutions, qui viennent de l'étranger ou de Chine. Et que tout le monde est acteur du changement : tout ne doit pas venir de l'État !
Les entreprises et les consommateurs doivent prendre leur part. Ce n'est pas encore acquis là-bas, d'autant que la confiance dans les marques chinoises reste faible. Ce sont d'ailleurs des problématiques qui seront traités lors du Forum Belong que j'organise à Pékin fin septembre 2015. L'idée est d'y mettre en lumière les entreprises leaders, européennes et chinoises sur ces sujets.
À travers des outils inédits et créatifs, le Forum aspire à démontrer que la responsabilité des entreprises est non seulement un gage d'innovation et de qualité, mais qu'elle est également performante sur le plan financier.
(Remerciment à Novethic pour cette interview)
(On peut pas dire que cela soit le cas des entreprises américaines ou françaises maintenant, alors que c'était le cas dans les années 60 où les syndicats n'étaient pas fantoches pour reprendre le terme apprécié des chinois dans ces années là. note de rené) 

Aucun commentaire: