(Comme en Chine. Le virus va-t-il tuer l'union européenne, plus sûrement que la contestation ? note de rené)
A Milan, le coronavirus met l’économie à genoux (Italie)
ITALIE
Après une semaine d’épidémie dans le nord du pays, les pertes pour Milan se montent déjà à plusieurs centaines de millions d’euros. Le poumon économique manque d’air. Le gouvernement promet un plan extraordinaire de 3,6 milliards d’euros
Antonino Galofaro, Milan source : Le Temps
Publié dimanche 1 mars 2020 à 18:55
Modifié dimanche 1 mars 2020 à 20:22
- Une voix métallique demande de prêter attention aux écrans afin de prendre connaissance des mesures d’hygiène pour contrer le coronavirus. Le mot résonne une dizaine de fois durant près de quatre heures de voyage. Le train file à grande vitesse vers Milan. Seuls quelques dizaines de voyageurs sont montés à Rome à bord de cette ligne parmi les plus fréquentées du pays. Les Italiens ne prennent aucun risque face à l’épidémie frappant le nord de la Péninsule depuis une semaine. Le personnel nettoyant les wagons plusieurs fois durant le trajet ne fait pas le poids face aux quelque 1500 cas de contamination enregistrés durant la semaine écoulée. La destination de la rame est la capitale de la région la plus touchée, la Lombardie, avec 984 personnes contaminées.
Samedi matin, la gare centrale de Milan est anormalement calme. Quelques personnes portent un masque de protection. La structure est habituée à accueillir chaque jour quelque 400 000 personnes, mais une semaine d’épidémie a réduit de 70% le nombre de passagers par rail en provenance et en direction de la ville. Les aéroports milanais ne sont pas plus agités. En comptant les annulations des prochaines semaines et la fermeture de certaines lignes, les avions se sont vidés de moitié, selon les estimations de l’analyste en économie des transports Andrea Giuricin, économiste à l’Université de Milan-Bicocca. Sachant que le bassin milanais accueille tous les mois 4 millions de voyageurs, il estime les pertes à plusieurs centaines de millions d’euros pour le seul mois de mars.
La Lombardie, plus d’un cinquième du PIB national
Le cas des transports dans la capitale lombarde montre combien la situation est grave. Vendredi, la bourse de Milan brûlait 21 milliards d’euros pour une perte totale durant les cinq jours ouvrables d’épidémie de 80 milliards. Le coronavirus est en train de couper l’air au poumon économique du pays. A elle seule, la Lombardie représente plus d’un cinquième du PIB national. Il est difficile pour l’heure d’estimer les pertes totales, mais les analyses les plus pessimistes évoquent déjà un impact de plusieurs milliards d’euros, surtout dans le secteur industriel. Samedi, le ministre de l’Economie Roberto Gualtieri a promis «d’ici vendredi un paquet de 3,6 milliards de ressources exceptionnelles» pour soutenir «l’emploi et les secteurs les plus touchés par les effets du coronavirus». Un tel plan devra d’abord être approuvé par le parlement.
Le maire de Milan ne veut pas attendre pour «relancer» sa ville. La réouverture dès ce lundi du Duomo, la cathédrale symbolique de la cité, se veut un signe encourageant. Mais durant le week-end, les rues commerciales adjacentes et l’imposante galerie Vittorio Emanuele II ne grouillaient pas de passants. Dans un bar centenaire du centre, au style Liberty, seul un couple sirote un café. «Je n’ai travaillé que trois jours alors que je devais être de service toute la semaine», regrette la cheffe de salle. La jeune femme craint surtout pour son salaire de mars et l’impact sur son pouvoir d’achat. Le propriétaire a dû adapter le service. Outre le manque de clients, une ordonnance régionale lui a par ailleurs imposé jusqu’à mercredi dernier de fermer à 18 heures. Il peut désormais ouvrir le soir mais à condition d’interdire le service au comptoir, pour éviter les contacts.
L’économie de la ville lombarde vit pour moitié grâce au tourisme classique depuis quelques années. Mais auparavant, la cité profitait surtout du tourisme d’affaires. Dans le quartier économique Isola, dominé par l’imposante tour Unicredit, l’hôtel Four Points n’a accueilli que cinq personnes cette première nuit du week-end pour une capacité de 240 chambres. Trois quarts de sa clientèle sont normalement des entrepreneurs. «Les entreprises, italiennes comme étrangères ont bloqué les voyages de travail, regrette Maurizio Naro, propriétaire de la société gérant la structure. Ce véritable diktat permet d’éviter que les employés ne soient ensuite contraints de se mettre en quarantaine.» Or aucune mesure politique ne l’impose, Milan ne se trouvant pas dans l’une des deux zones rouges italiennes, l’une se situant dans le sud de la Lombardie et l’autre dans l’ouest de la Vénétie.
«La psychose coûte plus que la contagion»
«La psychose nous coûte beaucoup, bien plus que la contagion», dénonce celui qui est aussi président de l’antenne milanaise de Federalberghi, le syndicat du secteur. Pour limiter les dépenses, certains hôtels ont déjà préféré fermer. A travers toute la ville, la semaine passée, 25 000 réservations de chambres ont été annulées chaque jour sur une capacité totale de 35 000. «Ce qui représente 3 millions d’euros de pertes quotidiennes, détaille Maurizio Naro. D’ici à fin avril, cette perte devrait atteindre 200 millions d’euros.»
Le gouvernement avait déjà pris dans l’urgence dans la nuit de vendredi à samedi des premières mesures en soutien à l’économie. Il a notamment débloqué 350 millions d’euros destinés aux entreprises exportatrices et suspendu les retenues fiscales pour toute société du secteur touristique. Les autres dispositions concernent surtout les 11 villes des zones rouges, en quarantaine depuis une semaine. Mais l’action du premier ministre Giuseppe Conte est jugée insuffisante. D’autres mesures sont attendues dans la semaine. Pour faire revenir les entrepreneurs et les investisseurs à Milan, espèrent les travailleurs du secteur.
Les touristes reviendront d’eux-mêmes, promet Magda Antonioli, professeure à l’Université Bocconi de Milan, spécialiste d’économie du tourisme. «Ils ont tendance à vite oublier, assure-t-elle. La reprise touristique est toujours éclatante après une crise, nous l’avons par exemple observé après les attentats de Paris.» L’Italie reste par ailleurs une destination «certaine», «nos ressources sont toujours là, poursuit-elle, le Colisée n’a pas été bombardé». Avec quelqu’un de malade à la maison, «vu les temps qui courent», elle préfère annuler la rencontre prévue et répond par téléphone.
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