(Future commissaire européenne ? note de rené)
Quand Sylvie Goulard faisait participer sa collaboratrice parlementaire à son boulot annexe à 10.000 euros par mois
Par Étienne Girard
Sylvie Goulard passe ce mardi 2 octobre son grand oral pour devenir commissaire européenne. Un examen délicat en raison de ses piges à 10.000 euros par mois et de l'affaire des assistants parlementaires du MoDem. Mais pas seulement.
Audition délicate pour Sylvie Goulard. Ce mercredi 2 octobre à partir de 14h30, la candidate française au portefeuille de commissaire européenne au marché intérieur est auditionnée par les commissions du Parlement européen chargées des mêmes dossiers. Pas du tout une formalité, étant donné les interrogations qui entourent encore son CV, et le rapport de force au sein des institutions européennes.
L'éphémère ministre des Armées d'Emmanuel Macron devra d'abord répondre aux questions des eurodéputés concernant son travail pour l'institut Berggruen, un think tank fondé par le millardaire américano-allemand Nicolas Berggruen. Entre 2013 et janvier 2016, l'énarque, alors élue au Parlement européen, a en effet été en parallèle "consultante" de ce club de pensée, et plus précisément de son "Conseil pour le futur de l'Europe", moyennant plus de 10.000 euros brut par mois. Sur les trois derniers mois de 2013 et janvier 2014, sa rétribution s'élevait même à plus de 12.000 euros par mois, selon sa déclaration d'intérêts.Une rémunération supérieure à celle d'un parlementaire européen, qui s'élève à 8.700 euros mensuels.
Pour cette somme, Sylvie Goulard participait à l'organisation de réunions, a expliqué à l'AFP l'Institut Berggruen, qui la qualifie de "conseillère" dans sa plaquette sur ses cinq ans d'existence. Auprès de Marianne, l'entourage de l'aspirante commissaire européenne a précisé qu'"elle produisait des notes, coordonnait des rapports collectifs". A défaut de produire des documents, et sans préjuger de la réalité de ce travail, la teneur de ces missions demeure difficilement vérifiable. Concernant les textes disponibles sur le web, la haut-fonctionnaire apparaît comme "contributeur" et "auteur" de… deux rapports. Pas plus.
COLLAB' À TOUT FAIRE
Au sujet du second rapport, "Populism vs. The interests of people", publié en mai 2014 et dont l'auteur principal se nomme Pierpaolo Barberi, un chercheur en économie argentin alors âgé de 26 ans, on remarque que l'attachée de presse associée par l'Institut Berggruen au projet n'est autre que… que la collaboratrice parlementaire (de cette époque) de Sylvie Goulard, Heather Bailey. Une mention qui tend à démontrer que l'énarque a joué un rôle dans la production de cette note… mais également qu'elle utilisait les moyens du Parlement européen pour sa communication.
Cette pratique s'inscrit dans une zone grise à l'égard des règles du Parlement européen. Dans un courrier de 2017, un haut-cadre de l'institution rappelait que "les dispositions en vigueur concernant les assistants parlementaires européens leur interdisent d'intervenir en soutien des activités des partis politiques pendant le temps de travail qui est pris en charge par les fonds européens". Ce qui vaut forcément, a fortiori, pour les boulots annexes occupés par les députés européens.
Contacté, l'entourage de Sylvie Goulard répond que "le nom d'Heather Bailey a pu apparaître dans ce document, comme dans d'autres documents rédigés sous la responsabilité de nombreux organismes français ou internationaux, avec lesquels Sylvie Goulard interagissait. Puisque le travail de madame Bailey consistait à transmettre les demandes qui arrivaient par mail ou téléphone et coordonnait l'agenda de Sylvie Goulard".
"PACTE DE NON-AGRESSION"
Une question demeure : puisque Sylvie Goulard touchait un revenu annexe de ces activités, n'aurait-elle pas pu engager un secrétariat annexe, rémunéré sur des fonds exclusivement privés ? L'entourage de l'ex-ministre précise que sa collaboratrice n'a pas été rémunérée de façon spécifique pour cette tâche.
Sylvie Goulard, qui a aussi relayé des amendements du lobby bancaire allemand lorsque qu'elle était eurodéputée, a révélé Marianne, devra également se positionner sur une autre affaire d'assistants parlementaires, celle qui touche le MoDem de François Bayrou. Avec plusieurs autres ex-députés européens, elle a été soupçonnée d'avoir participé à un système d'emplois fictifs ou semi-fictifs au profit du parti centriste. La haut-fonctionnaire a été mise hors de cause par le Parlement européen, mais Le Point a révélé qu'elle a dû au préalable rembourser quelque 45.000 euros à l'institution. L'enquête reste ouverte en France.
Le sort de Sylvie Goulard dépendra aussi d'arbitrages effectués en haut-lieu par les chefs des principaux partis européens. Puisque la sociale-démocrate roumaine Rovana Plumb et le Hongrois László Trócsányi, membre du PPE (droite) ont été jugés inaptes par la commission des affaires juridiques, certains observateurs estiment que la centriste Sylvie Goulard pourrait subir des mesures de rétorsion venues de ces deux partis. Pas exclu non plus, comme nous l'indique un familier de la commission européenne, qu'un "pacte de non-agression" soit officieusement scellé dans les prochaines heures afin d'éviter un tel scénario. Dans tous les cas, Sylvie Goulard devra livrer des réponses claires aux députés.
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