samedi 4 janvier 2020

(Ah, ces chinois, pas mieux que les autres. Comme engie, multinationale française, en Australie qui pollue toute une région sans précaution et qui rend la population malade et qui n'en a rien à foutre. note de rené)

En Serbie, depuis que la Chine a racheté une mine, les habitants suffoquent

Durée de lecture : 6 minutes
2 janvier 2020 Benoît Collet (Reporterre) 

     
La pollution de l’air a atteint des niveaux dramatiques depuis que la compagnie chinoise Zijin mining a racheté les fonderies de Bor à l’État serbe en 2018, sauvant la ville toute entière de la faillite. Les habitants suffoquent et ont le sentiment que leur mine a été bradée à l’étranger, et leur santé avec.
  • Bor (Serbie), reportage
Quand la nuit tombe, le brouillard de métaux lourds devient si épais que l’on peine à voir devant soi à plus de dix mètres. Adossées au centre-ville de Bor, l’une des plus grandes cités minières de Serbie, les deux cheminées de RTB, la fonderie de cuivre, laissent échapper une fumée acre. Elle prend à la gorge et enveloppe la ville dans une brume permanente. Depuis que la multinationale chinoise a racheté la mine de cuivre au gouvernement serbe il y a un peu plus d’un an, la pollution au dioxyde de soufre a atteint des niveaux inégalés : jusqu’à 3.000 microgrammes de dioxyde de soufre par mètre cube selon le ministère de la Protection de l’environnement, soit près de dix fois plus que le seuil de dangerosité acceptable pour l’humain.
L’air est aussi plein de particules fines et saturé de métaux lourds comme l’arsenic. « Quand la mine appartenait encore à l’État, il y avait des contrôles de la qualité de l’atmosphère. Si c’était trop dégradé, l’usine baissait sa production. Aujourd’hui plus rien », s’énerve Katarina Vascovic, dont la famille vit à Bor depuis quatre générations. « Tous mes enfants ont de l’asthme. Leurs profits passent avant notre santé. »
L’air de Bor est plein de particules fines et saturé de métaux lourds comme l’arsenic.
Avec son mari et son fils, elle est de toutes les manifestations contre Zijin. 
Depuis plusieurs mois, des centaines d’habitants descendent régulièrement dans la rue pour interpeller la multinationale et les pouvoirs publics. Les manifestants sont inquiets de voir leurs enfants quasi systématiquement atteints d’asthme, et les cas de cancer des poumons se multiplier depuis peu.
Au moment du rachat, l’entreprise avait bien promis d’investir 135 millions dans l’installation de filtres à particules dans les cheminées. Mais au pied de la fonderie, les allées du marché continuent d’être envahies d’un voile toxique et les habitants des immeubles délabrés de l’époque socialiste continuent d’essuyer régulièrement une épaisse couche de suie sur le rebord de leurs vieilles fenêtres en bois. « Zijin a voulu doubler la production de cuivre alors que l’usine est vieillissante. Tout ce qu’on leur demande c’est de baisser leurs objectifs de rentabilité juste le temps de trouver une solution pour résorber cette pollution hallucinante », explique Sasha, conducteur routier et père de trois enfants, qu’il n’emmène plus en centre-ville pour leur éviter d’inhaler de l’arsenic. 42.000 tonnes de cuivre sortent chaque année des fonderies. Dans six ans, Zijin prévoit de passer à 150.000 tonnes.

La Chine expédie son cuivre vers l’Europe sans être soumise aux réglementations environnementales communautaires

Des années durant, la Serbie a tenté de privatiser RTB, sans succès. Mine et fonderie tournaient au ralenti et la ville se mourait à petit feu, privée de nombreux emplois. Puis Zijin est arrivée, transformant le bassin industriel déclinant en l’un des avant-postes des nouvelles routes de la soie, le projet pharaonique du président Xi Jinping pour stimuler les exportations chinoises en Europe, grâce à des investissements massifs dans les autoroutes, les ports, les mines, etc., à travers le monde. Depuis Bor, la Chine peut désormais expédier son cuivre vers l’Union européenne plus rapidement et plus facilement qu’avant, tout en n’étant pas soumise aux réglementations environnementales communautaires. « Ici c’est le far west, quel autre pays du continent empoisonnerait ses enfants de la sorte ? », s’indigne Sasha.
Depuis un an les exportations de minerai estampillé RTB vers la Croatie, l’Italie, l’Allemagne ainsi que vers l’empire du milieu ont explosé. Depuis le port du Pirée à Athènes — passé sous contrôle chinois — jusqu’à la mine de Bor et le projet de ligne à grande vitesse reliant Belgrade à Budapest, un nouveau chemin de la mondialisation se dessine dans les Balkans, comme une voie propice aux exportations de produits par la Chine et à ses importations de cuivre, une matière première indispensable à l’industrie électronique ou à celle des énergies renouvelables.
« Pour le moment c’est juste le problème de Bor. Dans dix ans, quand toute l’eau polluée de la Reka [la rivière qui passe à l’est de Bor] se sera déversée dans la mer Noire, alors ça deviendra celui de toute la région, jusqu’à la Roumanie », prophétise Irena Zivkovic, une militante environnementale, co-organisatrice de la vague de manifestations contre Zijin, dont celle du 15 novembre dernier. À ses côtés, Borislav Stefanovic, co-président de l’Alliance pour la Serbie, une coalition gauche-droite opposée au très affairiste président Vucic, a fait le déplacement de Belgrade pour soutenir la contestation citoyenne. « Avec 250 euros de salaire minimum, plus des subventions de 20 à 30 euros sur chaque emploi destinées aux investisseurs étrangers, Aleksandar Vucic fait les yeux doux à la Chine au mépris de la protection de l’environnement. »
Lazan, venu manifester avec des camarades de lycée. Ils ont acheté de vieux masques à gaz yougoslaves.
« Mon père me dit qu’en venant manifester aujourd’hui, je suis en train de couper la branche sur laquelle nous sommes tous assis. » Les deux parents de Lazan travaillent à RTB, sa mère souffre d’un cancer du sein. Malgré les avertissements familiaux, il est venu à la manifestation avec une dizaine de ses camarades du lycée, le visage caché par un vieux masque à gaz yougoslave. « Zijin doit respecter les règles ! Je ne veux pas que ma ville devienne une colonie économique chinoise. »
En remboursant les 200 millions d’euros de dettes de RTB, Zijin a sauvé la fonderie et la ville toute entière de la faillite. L’entreprise se retrouve en position de force face à un pouvoir serbe trop heureux d’avoir trouvé avec la Chine une superpuissance prête à investir des milliards dans le pays pour reprendre les fleurons industriels vieillissants. À Bor, où tout tourne autour du cuivre, où chaque rond-point est décoré de la statue d’un mineur ou d’un ingénieur fondateur, 5.000 personnes travaillent chez RTB, soit un sixième de la population de la ville.
Quand tant de vies dépendent d’un seul employeur, la question des nuisances environnementales devient délicate. La pneumologue d’un hôpital privé de la ville nous a répondu qu’elle n’avait pas de commentaire particulier à faire sur la situation pourtant alarmante, avant d’avouer à demi-mot que le sujet était trop politique. Si Aleksandar Milikić, le maire, reconnaît que l’explosion des concentrations de dioxyde de soufre dans l’air est un problème, il ne peut se permettre de critiquer trop ouvertement le premier pourvoyeur d’emplois de la ville. D’autant que l’entreprise compte ouvrir une nouvelle exploitation minière au sud de Bor et embaucher dans les années qui viennent, qui plus est avec des salaires parmi les plus élevés de la région.
Au pied des cheminées de la fonderie de cuivre, le marché gitan est plongé dans une brume toxique permanente.
« Il est très important que nous prenions soin de l’écologie mais nous devons également penser à l’économie. Il existe maintenant un modèle pour résoudre tous les problèmes en suspens », déclarait-il voici quelques semaines. La privatisation auprès d’investisseurs étrangers serait-elle la solution à tous les problèmes de Bor et d’autres villes industrielles serbes durement éprouvées par l’éclatement de l’ex-Yougoslavie ?
Le FMI — le Fonds monétaire international — s’est en tout cas félicité de la recapitalisation des fonderies par Zijin mining. Dans les rues grises de la ville minière, beaucoup ont le sentiment que leur mine a été bradée à l’étranger, et leur santé avec. Pris en étau entre le spectre du chômage et les maladies respiratoires, Bor respire à pleins poumons la défaillance financière du gouvernement serbe et les ambitions commerciales chinoises.

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