jeudi 19 décembre 2019


Coulisses 2019 : "J'ai utilisé un moteur de recherche russe, plus puissant que Google"
source : RTBF info
Comment retrouver une illustre inconnue, brièvement interviewée dans un journal télévisé ? C’est la mission (apparemment) impossible qui a été confiée en juin au journaliste web Ambroise Carton, un peu par hasard. Une mission qu’il a fini par relever grâce aux outils numériques… Voici comment. 

L’inconnue, c’était une jeune fille américaine rencontrée et interviewée par une stagiaire du JT lors de la "pré-ouverture" de la Ducasse à Mons. Une séquence qui était censée rester sans lendemain. Seulement, après l’avoir vue sur antenne, un manager de l’info se dit que ça serait quand même chouette de suivre la même personne au moment du Doudou. Pourquoi pas en effet ? Problème : l’inconnue s’est fondue dans la masse. Et nous n’avons ni son nom de famille, ni son numéro.

Sarah, la jeune Américaine à retrouver, après son passage au JT

Sarah, la jeune Américaine à retrouver, après son passage au JT - © RTBF
"Au début, je prenais ça comme une blague", raconte Ambroise. "Ce n’était juste pas possible"…  Mais il décide d’essayer. Sans partir tout à fait de zéro : "On avait une capture d’écran de son intervention au JT, son prénom. On savait aussi qu’elle venait de Boston et dans son interview, elle disait qu’elle connaissait Mons car elle était venue il y a quelques années dans le cadre d’un échange scolaire".
Ambroise décide de commencer par une recherche sur base de la capture d’écran. "Je connaissais déjà la performance du moteur de recherche Yandex, un moteur de recherche russe, qui fonctionne comme Google mais avec un outil de recherche d’image beaucoup plus puissant". Yandex lui renvoie des dizaines de photos de jeunes filles ressemblant à l’inconnue recherchée : chevelure bouclée, piercing au nez, yeux en amandes,…
"Je tente les trois-quatre premiers résultats… Et parmi eux, il y avait une capture d’écran faite automatiquement de YouTube, qui était une vidéo d’un projet étudiant, dans lequel quelques étudiants étaient interviewés. L’une des filles de la vidéo dit "je m’appelle Sarah XXX, j’habite à Boston et je suis étudiante à telle université". Ambroise réécoute plusieurs fois le nom de famille américain et essaye différentes orthographes dans une recherche sur Facebook cette fois. Il finit par tomber sur un profil très ressemblant.
Il reprend ensuite le nom complet du profil et lance une recherche sur Google. Il trouve un CV en ligne : "Je vois qu’une fille qui porte ce nom-là et qui habite Boston a fait un échange à Mons il y a quelques années avec le Rotary". Bingo. C’est plus que probablement la personne croisée quelques jours plus tôt dans la foule.
Bon, finalement, le JT n’a pas donné suite et la jeune Américaine n’a donc pas été recontactée… "Mais j’étais très fier de pouvoir dire que j’avais pu la retrouver, parmi des millions d’Américains", sourit Ambroise. Le tout uniquement grâce à des données disponibles publiquement. Ce qui montre aussi l’étendue des traces qu’on laisse sur le web, parfois malgré nous.

Sur le web, on enquête aussi, mais d'une façon différente de ceux sur le terrain
Utilise-t-il ce type de techniques pour d’autres reportages ? Oui, de plus en plus : "Ce que je trouve drôle c’est de partir d’un tout petit truc et de se servir des outils numériques pour remonter à la source d’une info et/ou d’identifier des fake news. Sur le web, on enquête aussi, mais d’une façon différente de ceux sur le terrain".
Exemple, cet article pour retrouver l’origine d’un buzz récent sur Greta Thunberg : "Greta Thunberg, voyageuse temporelle : d’où vient cette photo largement partagée sur les réseaux sociaux".
Ou encore, celui-ci, avec la recherche de la source d’une vidéo polémique : "Un chasseur français se félicite d’avoir abattu un lion : de quand date cette vidéo qui ressurgit sur la toile ?"
A côté de ces exemples très web, les réseaux sociaux (et surtout Facebook) nous servent au quotidien dans la rédaction, y compris en tv et en radio, en particulier pour trouver ou retrouver des témoins.
Illustration, cette année toujours, avec un sujet à propos des 30 ans de la chute du mur de Berlin. Un sujet pour lequel Ambroise est reparti d’archives télévisées de l’époque, dont l’interview d’un témoin, un quidam bruxellois. "J’ai fait une capture d’écran et je l’ai postée sur Facebook en faisant un appel à tous ceux que je connaissais pour savoir s’ils le reconnaissaient… J’ai aussi fait un appel sur Twitter que plein de journalistes ont repartagé. Et finalement un de mes cousins m’a dit qu’il le connaissait : c’était son voisin en 89 ! Il se souvenait de son ex-femme, qui était une amie de sa mère. Il avait son numéro. J’ai contacté son ex-femme en Espagne et j’ai ainsi retrouvé le numéro de téléphone du gars". Un témoin qu’il a donc pu rencontrer et interviewer, 30 ans plus tard.
Revoir la vidéo :


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