FRANKFORT (Reuters) – Le président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, a dit à celle qui va lui succéder jeudi de ne jamais renoncer à soutenir l’économie de la zone euro face à l’aggravation des perspectives et à l’aide limitée des gouvernements.
Lors de la dernière conférence de presse de son mandat de huit ans, l’homme qui a sauvé l’euro de l’effondrement a maintenu la porte ouverte à encore plus d’argent gratuit, quelques jours avant de passer le relais à Christine Lagarde le 31 octobre.
Avec une inflation languissant à moins de la moitié de l’objectif de la BCE et une révolte sans précédent contre sa politique de relance monétaire, ce n’était guère une sortie en beauté pour Draghi, dont l’engagement de 2012 à faire « tout ce qu’il faut » (« whatever it takes ») pour sauver l’euro a permis de casser la spéculation contre les pays les plus endettés de l’UE.
M. Draghi a refusé de donner des conseils particuliers à Mme Lagarde, mais a déclaré que l’héritage qu’il laissait était de chercher résolument à stimuler la croissance des prix dans un bloc monétaire en difficulté et divisé.
« Cela fait partie de notre héritage : ne jamais abandonner ! » a dit Draghi.
Sous sa direction, la BCE a abandonné les racines de l’orthodoxie monétaire allemande, poussant les intérêts sur les dépôts bancaires bien en dessous de zéro et achetant pour 2600 milliards d’euros d’actifs, principalement des obligations d’Etat.
Draghi a attribué à cette politique le mérite d’avoir évité la déflation dans la zone euro et d’avoir contribué à créer 11 millions d’emplois dans l’UE.
Mais plus d’un tiers des membres du Conseil des gouverneurs de la BCE se sont opposés à la décision de reprendre les achats d’obligations lors de la réunion de septembre, et les responsables politiques des Pays-Bas, de la France et de l’Allemagne ont pris la décision inhabituelle de rendre public leur désaccord.
Et il n’y a pas que quelques faucons en vue pour critiquer le fait qu’il soit sage d’acheter encore plus d’obligations.
Quelque 95 % des personnes interrogées lors d’un sondage Reuters auprès des analystes ont déclaré que le plan de relance ne contribuerait pas de manière significative à ramener l’inflation à un peu moins de 2 %, l’objectif fixé par la BCE.
La BCE n’a pris aucune nouvelle mesure jeudi, après avoir décidé en septembre de relancer les achats d’obligations à un rythme de 20 milliards d’euros par mois tout en réduisant son taux de dépôt à -0,5% et en maintenant la porte ouverte à de nouvelles réductions.
Malgré une faible croissance dans la zone euro, M. Draghi a insisté sur le fait que les avantages d’une politique d’argent facile l’emportaient largement sur les risques et a rejeté l’idée que la querelle publique avait entaché son héritage.
« Tous les pays ont des désaccords lorsque les décisions de politique monétaire font l’objet de débats », a dit M. Draghi.
Il a ajouté que les dissidents semblaient enterrer la hache de guerre lors de la réunion de jeudi, l’un appelant à l’unité et l’autre disant que « le passé est passé ».
Une source présente à la réunion a déclaré que le climat était plus consensuel qu’en septembre, les dissidents s’abstenant d’exprimer à nouveau leurs préoccupations lorsque la proposition politique a été faite.
LES TURBULENCES CONTINUERONT
Pourtant, les turbulences au sein de la BCE sont susceptibles de persister, et Mme Lagarde devra faire face aux objections selon lesquelles la politique ultra-accommodante nuit aux épargnants, cécrase les banques et les fonds de pension et gonfle les bulles financières tout en faisant peu pour l’inflation.
Un taux d’inflation qui n’était que de 0,8 % en septembre, ce qui est loin de l’objectif de la BCE, d’un niveau un peu en dessous mais proche de 2 %.
Cet objectif pourrait changer sous l’impulsion de Mme Lagarde, qui s’est engagée à revoir la stratégie de la BCE, sur les traces de la Réserve fédérale américaine.
« Elle pourrait attendre qu’une révision de la politique monétaire de la BCE ait été menée afin de décider si la devise de Draghi reste valable », a déclaré René Albrecht, analyste à la DZ Bank.
Le problème pour la BCE est que certains des principaux facteurs de déflation échappent à son contrôle.
Cela va des changements démographiques et technologiques à la dépendance de la zone euro à l’égard des exportations, en particulier des fabricants allemands, ce qui lui fait supporter le poids d’une guerre commerciale mondiale.
La puissance de feu de la BCE étant désormais largement utilisée, M. Draghi et son successeur devraient continuer à exhorter les gouvernements qui enregistrent des excédents, comme l’Allemagne et les Pays-Bas, à investir davantage pour générer de la croissance économique dans leur pays.
Mais les derniers chiffres budgétaires, qui ne font état que d’une modeste expansion, suggèrent que ces appels risquent de ne pas être entendus pour l’instant, laissant la charge à la BCE.
« La politique monétaire continuera de faire son travail », a dit M. Draghi.
Traduction Olivier Demeulenaere (avec DeepL.com)